Voici la plus étrange des nécropoles juives subsistant encore à Paris, datant toutefois d’une période bien plus récente que celle qui nous intéresse dans le cadre du présent grand dossier.
Cachée dans un mouchoir de poche inaccessible aux passants, 44, rue de Flandres, elle n’abrite que quelques tombes oubliées, ébréchées, usées par les siècles, au fond d’une ancienne cour de ferme. Sur ces dalles, nous pouvons encore lire quelques indications en français et en hébreu. Par exemple, le nom du sieur Cavaillon décédé en 1797 à l’âge vénérable de 98 ans. Au XVIIIe siècle, un dénommé Matard, tenancier de l’auberge de l’Etoile, grande rue de la Villette (actuelle rue de Flandres) enterra quelques Juifs vivant à Paris dans son jardin moyennant espèces sonnantes et trébuchantes. Par la suite, l’Etoile devint la propriété d’un équarrisseur qui continua ce commerce, tout en enfouissant ça et là ses carcasses de chevaux. Outré par cette profanation, Ya’aqov Rodrigues Pereire, membre éminent de la communauté juive portugaise et interprète du roi Louis XVI, acheta pour 800 livres un terrain contigu, l’actuel 44, rue de Flandre, afin d’inhumer dignement bon nombres de juifs séfarades parisiens. Le premier enterrement se déroula le 8 mars 1780. Mais ce modeste cimetière ferma ses portes assez rapidement puisqu’en 1810, l’administration du Père-Lachaise créa le carré israélite officiel. Aujourd’hui, ce petit enclos de la Villette est la propriété du Consistoire Israélite de Paris.
Pour répondre à votre enquête sur la conduite des goyim pendant la Shoah, j’ai trois exemples modestes mais authentiques à fournir. J’étais, avec mes frères et sœurs, un enfant caché avec mes parents.
En zone libre, mes parents se sont rendus à la mairie pour recevoir des tickets d’alimentation, munis de leurs faux papiers d’identité. L’employée de mairie a simplement déclaré : « Ce sont des faux papiers, je vais les refaire ». Et elle s’est exécutée…
Mon frère, arrêté par un milicien pour contrôle d’identité, fut conduit au quartier général allemand : « Je vous amène un Juif ! » L’allemand répondit : « On ne cherche pas les Juifs, on cherche les résistants. Celui-ci est libre. »
A l’arrivée des Allemands à Thonon les Bains où nous résidions, nous avons fui notre logement et fûmes accueillis chez des paysans, nous, six enfants et les parents, pour une courte période.
Concernant le sujet du cimetière du Père Lachaise de Paris, la tombe de mes grands-parents, oncle et mère se trouvent dans un carré juif du cimetière. Constatant que des tombes juives étaient remplacées par des tombes non-juives, je l’ai signalé de suite par courrier aux services du Consistoire, il y a bien des années, et bien entendu, il n’y eut pas de réponse.
Pour ma part, j’entretiens régulièrement la tombe familiale et ai confirmé mes droits aux responsables des cimetières parisiens.
Mme Nicole Rossman, Kokhav Ya’aqov
Non point que nous cherchions à refuser le présent témoignage, mais ce que cette famille a vécu alors semble bien plus relever du miracle… Mais enregistrons-le.
Pour le sujet du cimetière parisien en question, c’est hélas un problème général devant lequel les autorités juives ont depuis longtemps démissionné ! Et de la sorte, ces Juifs se retrouvent avec le temps dans un carré qui ne l’est plus. Et encore, ils ont la chance, grâce à leur descendante, de rester en terre…
Il est temps que cette situation soit prise en main par les responsables de la communauté…
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