Le transport des corps
La première démarche à entreprendre dans un tel cas est d’organiser le transport du corps par voie aérienne. Toutefois, il faut s’assurer d’un point : jusqu’à présent, le consulat d’Israël exigeait en cas de départ du corps après un délais de 48 h qu’un « soin de conservation » soit pratiqué, en réalité il s’agissait d’un véritable embaument qui consiste à remplacer le sang du défunt par un liquide conservateur… On ne peut imaginer plus grand manque de respect envers le mort. Une telle pratique est totalement défendue sur le plan de la Halakha. De plus, le sang ainsi prélevé doit évidemment lui aussi être enterré avec le défunt, ce que la pratique de ces professionnels ne permet pas…
Beaucoup d’efforts ont été déployés pour faire cesser cette obligation, qui de nos jours est totalement abolie, d’autant plus que le transport entre la France et Israël est rapide. La compagnie Air France s’était déclarée prête à assurer ces transferts sans une telle exigence. Des négociations ont eu lieu récemment avec El Al, qui a confirmé sa position dans le même sens. Les dernières mesures datent du mois de mars de cette année, ainsi qu’on peut le constater dans la circulaire consulaire produite ci-contre. En tout cas, c’est un point à vérifier, et, éventuellement, il faut savoir user d’insistance pour obtenir un transfert vers Israël sans profanation du corps du défunt…
L’acquisition d’une place en Terre sainte
Les personnes qui ont la nationalité israélienne ont droit gratuitement à une place dans les cimetières israéliens. En revanche, des gens en provenance de l’étranger doivent payer leur place, ce qui peut leur coûter fort cher.
On se souvient de l’histoire de notre regretté collaborateur Yonathan (Refaël selon son nom hébreu) Sandler, que D’ venge son sang, et celui de ses enfants : son identité israélienne n’était pas clairement établie au départ, et la question de savoir si ces tombes devaient être payées a fait l’objet, toute la journée précédant leur inhumation, de nombreux débats relayés dans les grands media… Ces derniers parlaient de sommes considérables.
En tout cas, les gens vivant à l’étranger ont tout à fait intérêt, s’ils songent à donner la préférence à un repos éternel en Terre sainte, à effectuer les démarches pour acquérir une place en temps utile. Il est important de savoir également qu’il existe des cimetières privés, tel que Erets ha’Hayim, à proximité de Beth Chémech.
Les habitudes locales
Chaque communauté juive a ses traditions dans le domaine de l’enterrement.
L’un des points les plus évidents concerne l’inhumation à même le sol qui est pratiquée en Erets Israël. Les gens venant de l’étranger peuvent en être choqués, peut-être parce que, psychologiquement, le fait de laisser le corps du défunt dans un cercueil peut rassurer (les vivants…), mais telle n’est pas la conduite généralement établie dans le pays.
A l’époque du Second Temple, on enterrait dans des boîtes en bois, même en Erets Israël (cf. entre autres Michna Mo’èd qatan 1,6) ! Toutefois, le Tour (Y. D. § 362), s’il définit l’inhumation comme devant être en terre, accepte le principe que même si le corps est déposé dans une boîte, il sera considéré comme ayant été déposé en terre. Il ajoute : « Mais il vaut mieux pratiquer un enterrement à même la terre, car c’est là la réelle mitswa, même à l’étranger… comme il ressort du verset (Beréchith/Genèse 3,19) Tu viens de la terre, et tu y retourneras » ». Le Ba’h (ad loc.) explique cette idée avec le verset (Devarim/Deutéronome 32,43) : « Et sa terre fera expier les fautes de son peuple », et ajoute : « C’est pourquoi les Sages du Talmud avaient l’habitude d’utiliser des cercueils, non sans percer cette boîte avec des trous permettant le contact direct avec la terre » (cf. Ramban, Torath Adam, p. 117, et Beth Yossef 362). Le Pericha (ad loc.) parle de retirer la planche du fond avant l’inhumation.
En tout état de cause, il ressort donc que cette conduite est plus exacte sur le plan de la Halakha. Peut-être faut-il dire explicitement que la décomposition du corps n’est pas à éviter – du reste on ne peut rien faire contre ce phénomène. Elle fait partie de l’expiation des fautes que la mort implique.
Il est possible de demander à la ‘hévra qadicha locale de suivre le « minhag de France » – mais ce n’est pas forcément une bonne idée – non sans oublier de faire des trous dans le cercueil…
Le manque de place en Erets Israël
Toutefois, et c’est l’évidence-même, le problème de manque de place est également présent en Erets Israël. On ne songe évidemment pas à trouver une solution aussi inouïe que celle employée dans la région parisienne par les municipalités, mais des formules innovantes sont proposées, pratiquement partout dans le pays, y compris au Har haMenou’hoth à Jérusalem : on enterre en étage, ou dans des caveaux. Que penser de ces formules sur le plan de la Halakha ?
▶ Les tombes en étage (« qevourath rewaya »)
A partir du 1er janvier de cette année, une nouvelle formule de tombes en étage a été proposée au public en Erets Israël, afin de « gagner du terrain », étant donné la saturation des cimetières, en particulier dans le Gouch Dan, la région de Tel Aviv.
Il en est de même au Har haMenou’hoth de Jérusalem, où seule une telle solution est proposée au public – entendons-nous : aux personnes désirant profiter de la gratuité via le Bitoua’h Leumi (la « sécurité sociale » israélienne) ; il reste toujours la possibilité d’acheter une place à deniers sonnants et trébuchants.
Pour l’instant, l’inhumation au Har haZeitim reste possible en toute gratuité ! La raison en est que l’accès à ce site attire peu, car il n’est pas tout à fait sécurisé : il est conseillé, pour s’y rendre, de prendre rendez-vous avec les services de surveillance que mettent en place les ‘hévroth qadichoth… Le public évite donc cet endroit. Toutefois, rappelle rav Nissan Schoub, l’un des responsables de la ‘hévra qadicha des prouchim, le minhag est de se rendre sur la tombe à trois reprises : lors de l’enterrement, aux trente jours et lors du 1er yahrzeit (jour anniversaire du décès), pas plus – il semble donc plus important d’assurer au défunt une tombe convenable, en un endroit si remarquable, plutôt que d’accepter des inhumations moins évidentes sur le plan de la Halakha.
En effet, le principe des tombes en étage ne fait pas l’unanimité : le corps ne repose pas en terre, alors que, nous l’avons vu, c’est le principe même de l’enterrement (le mot français l’indique clairement) bien qu’on ajoute de la terre dans ces cubes en béton et une cheminée pleine de terre assure le contact avec le sol. Dans les faits, la Rabbanouth d’Israël a donné son accord (en précisant bien que c’était dans la mesure où il n’y a pas le choix), et c’est suite à cela que le Bitoua’h Leumi peut exiger ne pas prendre en charge une autre forme d’inhumation.
Du côté des rabbanim orthodoxes, l’opposition semble assez nette. Rav Eliachiv zatsal s’y était opposé du fait du changement apporté aux derniers devoirs ainsi accordés aux morts. « Le domaine des minhagim les concernant est plus sévère que les autres minhagim ». Le rav Wozhner et le rav Karélits ont abondé dans le même sens, rapportant les positions de rav Feinstein et de rav Yits’haq Weiss opposés eux aussi à cette formule, même si, ajoutent-ils, il est difficile de l’interdire.
Ils concluent en conseillant aux gens de donner la préférence à un site funéraire éloigné de la ville, plutôt que d’accepter une telle solution.
▶ Les caveaux
La formule des caveaux est-elle meilleure ? N’est-elle pas pratiquée depuis de longues générations, en particulier en France ?
Il nous semble important de relever le fait que le Tour (363) au nom de rav Haï Gaon ne parle d’une formule d’inhumation de corps les uns au dessus des autres, au nom de rabbénou Be’hayé, uniquement si aucune autre solution ne peut être envisagée, par manque de place. C’est en effet le cas de nos jours. Mais si on a le choix, pourquoi ne pas opter pour une sépulture classique ?
La vraie question se pose dans les faits : il est clairement indiqué que, dans ce cas, il faut qu’il y ait un espace de 30 à 60 cm entre les corps. Est-ce le cas dans les caveaux que l’on propose de nos jours ? A priori, la loi française exige la mise en place d’une dalle entre les cercueils, mais nous ne connaissons pas ses dimensions. Il faut donc vérifier si cette disposition correspond aux exigences de la Halakha (cf. ‘Hokhmath Adam, Matsévath Moché § 10) et, s’il le faut, rajouter 30 cm de terre entre les deux corps.
Le fait que les caveaux soient obligatoirement formés d’une chape de béton ne semble pas poser problème, puisque l’ensemble est déposé dans la terre. Il est vrai qu’il vaut mieux, comme dit plus haut, que le corps repose à même la terre, mais ce n’est qu’une exigence a priori. Donc si l’on fait couler une couche de béton, cela fera gagner du temps.
Une sépulture « comme dans le temps », à même la terre, individuelle, semble donc tout de même plus indiquée.
Il était difficile de laisser notre récente enquête sans solution : il en ressortait que la situation dans la région parisienne était plus que surprenante, et que l’exhumation menaçait les gens qui reposent dans de tels cimetières.
En attendant, aucun dirigeant de la communauté ne semble savoir comment réagir, et comment faire changer une situation acceptée depuis belle lurette.
Le plus simple, disions-nous déjà, est de se diriger vers des provinces plus clémentes, en particulier l’Alsace.
Beaucoup donnent la préférence à un enterrement en Terre sainte, avec les immenses avantages spirituels que cela représente. A condition de prendre des précautions et ne pas se laisser attirer par des formules qui ne correspondent pas entièrement aux exigences de la Halakha. Bien entendu, tout ceci pose problème pour un public aux ressources relativement limitées, étant entendu le prix du transport et celui de la place dans le cimetière.
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