Le présent texte est une pièce historique intéressante, que, là, nous publions in extenso, alors que nous n’en avions faire paraître que divers extraits dans Kountrass.
Il en ressort d’intéressantes informations sur la formation de ce grand problème des cimetières pour la communauté juive parisienne.
Cher lecteur et chère lectrice,
Voulez-vous réussir ? Oui. Quant à cela il n’y a aucun doute, nous en sommes convaincus. Alors, il faut que cette brochure soit vendue au moins en 10.000 exemplaires. Il faut que chacun se puisse faire une opinion pourquoi, contrairement à toutes les communautés israélites du monde entier, nous n’avons pas un cimetière et surtout comment il faudrait agir pour en avoir un.
Dans ce cas, il ne faut pas donner la brochure à ceux qui n’osent pas dépenser le franc.
Pour que l’on l’achète, ne dites pas à votre voisin, après l’avoir que : « Voici une brochure qui en quelques mois trace la vraie histoire impartiale de notre cimetière et qu’elle est digne d’intérêt, mais dites : L’auteur est un salaud! rien ne lui est sacré, il s’attaque aux personnes les plus honorables, les plus méritantes. Surtout quand celles-ci ont lu.
Non, ne dites rien. dites seulement le plus possible dans notre pouvoir, pour que la brochure soit vendue en 10.000 exemplaires au moins.
Docteur Rosenbaum
« Nous n’imiterons jamais ceux qui laissent à des indifférents, à des employés spéciaux, le soin d’ensevelir leurs morts. Ce qui est souvent pour d’autres un triste métier devient pour l’israélite une oeuvre pieuse, charitable, à laquelle il concourt avec une sorte de ferveur.
« Aussi voyez-le réclamer, comme un droit sacré, la faculté de participer dans une proportion quelconque aux cérémonies funèbres. Assister à la purification, suivre le convoi, aider à descendre la bière dans la fosse, jeter sur elle quelques pelletées de terre, ce sont là autant d’actes, qui par la sanction de la religion ont revêtu aux yeux de l’Israélite une importance extrême. Interrogez le plus ignorant d’entre nous, vous l’entendrez aussitôt vous répondre : Il n’y a pas de plus grande mitswa (mérite) que celle de s’occuper des morts ».
« Avec de tels sentiments, nul n’est rayé de la liste des vivants, sans que cette disparition de ce monde ne soit
l’objet de marques de regrets et de l’estime, qui nous donne la mesure de la véritable valeur de l’homme. Le repos des morts est assuré, repos inviolable, leurs mémoires conservées avec une sorte de culte. »
Qui pouvait écrire et faire imprimer les paroles que nous venons de lire ? Idées fières, imprégnées d’un souffle et d’un sentiment juifs véritables, qui ne pouvaient jaillir que d’un cerveau témoignant d’appartenir à un cœur sensible au bien, capable d’affection, d’amour envers son prochain. C’est-à-dire par une personne qui suit le commandement biblique : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » au strict sens du mot.
Cette personne pourrait-elle être autre que le premier israélite à la première place judaïque de France ? Pourrait-elle, être autre que notre éminent Grand-rabbin de France ? C’est lui, Monsieur Alfred Grévy, qui a exposé ces idées dans sa lumineuse dissertation « Du Deuil et des Cérémonies funèbres chez les Israélites », bien que dans ce temps, en 1872, il n’était que le tout petit rabbin dans la petite communauté, de celle de Lunéville.
Aussi sommes-nous sûrs qu’en adressant ce rapport à lui, et surtout à lui, il saura prendre, avec les autres rabbins, en main habile pour aboutir à la satisfaction de tous, cette douloureuse question d’un cimetière juif, qui occupe avec un si grand intérêt et à si juste titre le judaïsme parisien. Dans notre époque, cette question est devenue plus ardente que jamais auparavant. Depuis que le judaïsme français existe, jamais autant de Juifs n’ont été jetés dans la fosse commune et de là, dans les catacombes ou charniers, qu’aujourd’hui.
Au mépris de nos lois religieuses les plus élémentaires et plus saintes disparaissent de cette façon bon an mal an, à Paris seul (et de tout le monde entier, à Paris seul) plus de 800 Juifs sans laisser à la postérité la moindre trace de mémoire.
Tous les peuples, depuis l’antiquité jusqu’à nos jours, ont attaché aux funérailles et honneurs funèbres des idées grandes, des devoirs sacrés, des sentiments religieux. Les Israélites surtout se sont distingués dans l’accomplissement de cette pieuse tâche. Il est connu à quel degré ils ont porté par tous les temps de leur existence le respect dû aux morts, respect qui se rattache étroitement chez eux aux principes fondamentaux de la religion, à la doctrine de l’immortalité de l’âme, et de la destinée du corps, à la future rémunération, à la résurrection. Croyances sans lesquelles il est absolument impossible d’être juif.
Dans toutes les époques et dans tous les pays où des recherches historiques ont pu pénétrer pour trouver le passage des Juifs, on trouve aussi des traces de sépultures israélites. Ainsi en France, après avoir été à plusieurs reprises chassés, nous retrouvons les Israélites établis sous Philippe Auguste en 1198. Dans ce temps, il existe à Paris deux cimetières juifs, l’un dans la rue de la Harpe, l’autre dans la rue Galande. Puisque les Juifs n’ont pas eu le droit de posséder de terre, ils étaient obligés de payer aux propriétaires des rentes. Pour celui de la rue Galande, ils payaient quatre livres parisis de cent de rentes au seigneur Galande. Toutes les deux rues existent encore aujourd’hui sous les mêmes noms et elles sont dans le même quartier, presque contiguës ; on serait alors légitimement curieux de se demander pourquoi il leur a fallu deux cimetières tout à la fois, si ce n’était à cause de deux sortes de communautés distinctes l’une de l’autre par leur origine : espagnole-portugaise et allemande. Dans ces deux cimetières sont ensevelis les renommés tausaphistes (NDLR : Les Tossafistes) parisiens.
Philippe le Hardy défendit aux Juifs, par une ordonnance en 1271, d’avoir plus d’un cimetière par diocèse. En conséquence, celui de la rue de la Harpe leur fut retiré et Philippe le Bel le vendit en 1311 aux religieuses de Poissy. Ce cimetière, qui était d’une grande étendue, se trouvait situé joignant le jardin du comte de Forest qui l’a acquis des religieuses et le fit enclore dans sa maison. Cependant Louis le Hutin non seulement émancipait les serfs du domaine royal, mais nous trouvons aussi de lui deux ordonnances des 17 mai et 28 juin 1315 par lesquelles il rendit aux Juifs l’usage de leurs cimetières en toute la France.
A partir de ce moment jusqu’un peu avant la grande Révolution – une période d’un demi-millénaire –, il n’existe à Paris ni des Juifs ni des cimetières juifs. Avant la Révolution, en 1775, nous les retrouvons à Paris au nombre d’à peu près 400. Ils enterraient leurs morts dans un jardin, à la Villette, appartenant à un certain aubergiste nominé Matard, auquel ils payaient une redevance au fur et à mesure des nécessités pour chaque mort. Pour une grande personne ils payaient 50 francs, pour un enfant 20-30 francs. Malheureusement Mitard avec ses clients, habitués de sa maison, qui n’étaient pas toujours sobres, violaient souvent les sépultures et troublaient les cérémonies religieuses. Alors les Juifs pensèrent sérieusement d’acquérir un terrain pour y établir un cimetière. Deux personnes méritent la reconnaissance de la postérité, ce sont : J. Goldschmidt, président de la communauté de rite allemand, et J. Rodrigues Pereire, président de la communauté de rite portugais. Ce dernier achetait aussi, en 1780, un terrain au nom de Calmar qui était patenté ou naturalisé par Louis XV. De commun accord, on y enterrait les morts de toutes les communautés. Un an seulement après, la communauté portugaise reçu un nouveau syndic nommé Silves, qui ne voulait à aucun prix permettre que les Juifs d’origine espagnole et portugaise soient mis en dernier repos avec ceux de l’origine allemande. Les Allemands et Polonais retournèrent à Matard, qui exigeait un prix exorbitant et menaçait même de faire exhumer les corps qui reposaient dans son jardin, si on n’arrivait à tomber d’accord avec lui. Cependant la police lui défendit l’exhumation et les Juifs allemands achetaient au none d’un certain Cerfber patenté par Louis XVI le 5 avril 1775 – un grand terrain dans la banlieue de Petit-Montrouge et le 30 mai 1785 la permission par la police fut signée.
Madame Calmar, propriétaire du cimetière espagnol, demandait du pouvoir public l’annulation de cette acquisition, en voulant forcer les Allemands de revenir chez elle ; mais elle perdait son procès. A la fin du XVIIIe siècle, on enterrait encore dans les deux cimetières.
On sait que dans ces temps ténébreux, non seulement les Juifs ont eu des difficultés de trouver les deux mètres carrés dont ils ont besoin après leur mort, mais aussi les Protestants. Depuis la révocation de l’Edit de Nantes, par Louis XVI, les catholiques ne voulurent pas les laisser enterrer dans leurs cimetières.
Pour remédier à ce grave inconvénient, Napoléon forçait toutes les communautés de France, par un décret rendu le 23 prairial An XII (12 juin 1801), de faire inhumer toutes les personnes dans le cimetière communes du décès sans distinction de leur croyance.
Ce décret, sauf l’article 15, est encore aujourd’hui en vigueur et c’est justement cet article 15 qui intéressait tout particulièrement les Juifs ; aussi nous nous en occuperons à plusieurs reprises, c’est pourquoi nous nous trouvons dans l’obligation de le transcrire textuellement et tout de suite. II dit :
« Dans les communes où l’on professe plusieurs cultes, chaque culte doit avoir un lieu d’inhumation particulier et dans le cas où il n’y aurait qu’un seul cimetière, on le partagera par des murs, haies, ou fossés au autant de parties qu’il y a de cultes différents, avec une entrée particulière pour chacun et en proportionnant cet espace au nombre d’habitants de chaque culte ».
On peut bien remarquer la bonne raison qui poussait Napoléon à faire rédiger cet article 15. C’est visiblement pour sauvegarder le respect dû aux convictions religieuses.
Une communauté religieuse organisée qui se respecte est bien obligée de se pourvoir de toutes les institutions qui lui sont nécessaires à l’exercice de son culte ; quant à cela, il n’y a aucun doute, mais que faut-il faire dans une communauté où il n’existe qu’un petit nombre d’adeptes, qui, avec la meilleure volonté du monde, ne puisse satisfaire à leurs besoins et ne peuvent pas se permettre les dépenses nécessaires ? Puisqu’ils contribuent tous, sans exception, par des impôts directs et indirects à la charge communale, il est juste qu’en retour, cette même commune leur assure après leur mort un repos concordant aux rites et usages de leurs différents cultes, à moins qu’aucun des habitants ne jouit d’aucun privilège, auquel cas il est naturel que chacun doit se procurer, par ses propres moyens, tout ce qui lui est nécessaire. L’administration, si elle est libérale, si elle respecte les doctrines et dogmes de chacun de ses administrés – à condition qu’ils ne soient pas contraires à l’ordre public – ne doit mettre et ne mettra aucun obstacle à l’accomplissement de leurs rites religieux.
Tout ces cas ont été prévus par l’article précité. Aussi toutes les communautés israélites de France, les grandes comme les petites, se sont pourvues tôt ou tard, en vertu de cet article 15 qui les obligeait, de cimetières particuliers réservés à l’inhumation des Israélites, comme par exemple Lyon, Lunéville, Bordeaux, Belfort, Marseille, Versailles, etc., etc. Exceptionnellement, et c’est assez curieux, la grande communauté israélite de Paris, ville capitale, siège du Grand Sanhédrin, Consistoire central, Consistoire départemental, n’en n’a, depuis l’émancipation, jamais eu et en manque encore aujourd’hui.
Le Consistoire d’alors, ou il n’a jamais lu la Bible, ou il l’a oubliée, ou il voulait volontairement se mettre en contradiction avec elle. En effet, qui, parmi les Juifs, ne connait pas cette belle page d’histoire de la vie patriarcale (Genèse 23, 2) ? Ce marchandage d’un lieu de sépulture pour notre mère Sara entre les Héthéens représente par Ephron et notre patriarche Abraham ? Marchandage unique, premier et dernier au monde, marchandage où l’aliénateur refuse d’accepter l’équivalent de la propriété et l’aliénataire se force à le faire accepter et ne consent pas à en prendre possession sans en acquitter le prix. Cependant notre patriarche finit par « verser à Ephron, qui les accepte, 400 sicles argent en pièces sonnantes, ayant cours chez le marchand ».
Ce n’est pas ainsi qu’il agissait notre Consistoire, aussitôt le décret du 23 prairial An XII paru, que la communauté israélite de la capitale de la France introduit à l’administration préfectorale une demande afin de mendier (passez-moi l’expression) une partie d’un cimetière qui soit réservée aux sépultures juives. Elle motivait cette demande par les raisons suivantes :
1 ° L’obligation de faire enterrer un mort est à la charge de l’administration municipale ;
2° Les cimetières juifs existants sont dans un état de saturation ;
3° Enfin, qu’il y a des inconvénients graves de tolérer encore plus longtemps des cimetières particuliers dans l’éloignement de cimetières publics.
En un seul mot : les notables israélites de Paris ayant reçu la liberté de demeurer parmi les autres citoyens français enviaient déjà, également, les sépultures familiales des autres citoyens, qu’ils ont vraiment obtenues, mais en 1881 seulement.
La demande fut cependant refusée parce que le culte juif n’était pas encore connu, mais après les assises des sanhédriens, le préfet de la Seine fit mettre, le 15 juin 1809, à la disposition des Juifs, une partie du cimetière Père-Lachaise, pour être exclusivement affectée à l’inhumation des Israélites.
De cette façon, les Israélites de Paris s’étaient pourvus, par la municipalité de la capitale, d’un lieu d’inhumation qui non seulement les mettait à jamais, comme il paraissait, à l’abri de soucis de se trouver une fois de plus obligés à se procurer un cimetière par leurs propres ressources, mais ils se croyaient aussi autorisés à s’arroger le droit d’aliéner, le 23 septembre 1813, 256 mètres carrés de l’ancien cimetière existant dans la rue de Flandre.
Nous allons voir auquel prix de leur indépendance, ils ont obtenu ce prétendu succès.
Tandis que toutes les communautés israélites de la province ont dans l’administration de leurs cimetières une liberté entière à s’administrer comme bon leur semble, de manière que les pouvoirs civils, ni tribunaux, ni Conseils d’Etat ne pouvaient leur imposer quoi qu’il en soit contre leurs lois religieuses – sauf, naturellement, les obligations hygiéniques, aux termes de l’article 16 du décret du 23 prairial An XII –, le Consistoire israélite de Paris a oublié ou ne voulait pas savoir que :
- L’article 6 dudit décret investissait la commune du droit de rouvrir tous les cinq ans les fosses, de les vider pour y faire déposer de nouveaux morts, quelque chose qui est éminemment contraire aux lois et traditions juives ;
- L’article 10 autorisait la municipalité de ne faire des concessions de terrains à perpétuité, pour établir des sépultures de famille, que dans les cas où l’étendue du cimetière le permettrait ;
- Et enfin, aux termes de l’article 11, le Conseil communal pouvait imposer pour des concessions à perpétuité, en dehors des fondations ou donations en faveur de l’Assistance pulique de taxes exorbitantes, de façon qu’il soit impossible pour un pauvre juif – même pour celui de la classe moyenne – d’obtenir une concession à perpétuité que sa religion lui commande.
Naturellement il eût été plus logique de se déclarer sans confession aucune, ou d’accepter avec l’assimilation la religion chrétienne, mais dans ce cas, il ne fallut ni sanhédrin ni même rabbin.
Qu’il nous soit permis de montrer par quelques exemples les conséquences pratiques de ces deux régimes : entre la province de posséder des cimetières particuliers et la capitale de se servir de celui de la municipalité.
Un de nos plus riches coreligionnaires Iffla Osiris a acheté, le 12 novembre 1863, du Consistoire israélite de Bordeaux, dix places au cimetière appartenant audit Consistoire et veut, contre les usages juifs, et particulièrement contre ceux des rites portugais, à laquelle communauté il appartient, y creuser un caveau pour sa famille et ériger un monument (fait par Mercié et représentant Moïse d’après Michel Ange). Le consistoire considère ce fait comme un sacrilège et s’honore des se refuser net à se prêter aux caprices du richard, d’où procès. Osiris va de Christ à Pilate sans trouver raison. En voici l’arrêt du Conseil d’Etat : « Vu la requète présentée par le sieur Iffla Osiris et tendant à ce qu’il plaise au conseil d’annuler pour excès de pouvoir une décision par laquelle le ministre de l’Instruction publique et des Cultes a refusé de reconnaître au requérant le droit qui lui était dénié par le Consistoire israélite de Bordeaux de construire un monument et de creuser un caveau dans le cimetière israélite de cette ville, par le motif que le requérant a acquis du Consistoire moyennant un prix de 1.000 francs un terrain comprenant 10 places ; que cette concession lui donne droit de disposer comme un propriétaire, non seulement de l’emplacement même de dix tombes, mais aussi des intervalles qui doivent d’après les règlements séparer chaque sépulture et que le refus du Consistoire n’est fondé que sur usage en vigueur parmi les israélites du rite portugais, usage auquel le requérant n’est pas tenu de se conformer et qui peut faire obstacle à ce qu’il use du terrain à lui cédé de la manière qui lui convient à la charge de se conformer aux lois et aux règlements sur la police des cimetières. – Vu le mémoire en défense présenté par le Consistoire israélite de Bordeaux tendant au rejet de pourvoi, par le motif que le cimetière israélite est la propriété du Consistoire, qui assure à tous les défunts une place gratuite et perpétuelle ; que d’après une tradition immémoriale en vigueur parmi les israélites du rite portugais, chaque tombe doit être séparée et qu’il ne doit y avoir ni caveau ni monument ; que le seul avantage que confère le payement d’une somme de 100 francs par tombe est le droit de choisir à l’avance la place où aura lieu sa sépulture ou celle des siens ; qu’il n’en résulte aucun droit sur l’intervalle de 0 m 35 réservé entre chacune des tombes conformément à un règlement en date du 11 avril 1861 et que le sieur Iodla Osiris en retenant ainsi les dix places pour sa famille s’est expressément engagé, à se soumettre aux conditions de ce règlement.
« Vu le décret du 23 prairial an XII et l’ordonnance du 6 décembre 1843[1] ; vu les lois des 7-14 octobre 1790 et 24 mai 1872 ; considérant que le ministre des cultes s’est borné à refuser d’inviter le Consistoire israélite de Bordeaux à autoriser le sieur Iffla Osiris à creuser un caveau et construire un monument destiné à sa famille sur un terrain situé dans le cimetière israélite de cette ville et dont il prétend avoir acquis le droit de disposer librement par une convention en date du 12 avril 1863 ; que le Consistoire israélite auquel appartient le cimetière, et qui perçoit les produits pour repousser la demande du sieur Iodla Osiris, se fonde sur les clauses de la convention invoquée qui n’aurait pour objet que de concéder au requérant moyennant le payement d’une somme de 100 francs la disposition de dix tombes isolées avec obligation de se conformer aux règlements faits par le Consistoire en conformité avec les traditions en vigueur parmi les israélites du rite portugais ; que l’acte attaqué ne contient pas une décision et ne fait pas obstacle à ce que le sieur Iffla Osiris porte sa réclamation devant l’autorité compétente pour interpréter et appliquer la convention précitée.
Article 1. – La requête… est rejetée du 10 déc. 1875[2]. »
Si alors les Juifs de la province ont eu et ont encore dans l’administration de leurs cimetières une liberté absolue, comment, par contre, fonctionnait la gestion des cimetières israélites parisiens ? Les Juifs ont bien eu leurs parties séparées, distinctes, mais aucun droit, en quoi que ce soit, à se mêler dans les affaires de l’administration. La municipalité, par sa bonté, justice et miséricorde envers les pauvres israélites et ceux de la classe moyenne, renonçait encore tant que cela pouvait se faire à son droit de renouveler les tombes temporaires et la fosse commune. Mais tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se casse. En 1811 la commune a eu besoin de niveler le terrain du cimetière Montmartre, nous lisons à cette occasion pour la première fois, l’affiche suivante dans le parvis du temple.
« Reprise de terrain.
Art. 1. – A partir du 4 janv. 1841, il cessera procédé à la reprise des terrains concédés dans les cimetières de la ville de Paris à savoir : au Père-Lachaise de 18S1 à 1835. A Montmartre du 1er janvier au 31 décembre 1845.
Art. 2. – Lesdits terrains pourront être concédés à perpétuité en payant 500 francs et en se soumettant à certaines conditions (sic.).
Art. 3. – Les familles qui n’auraient pas obtenu de concession devront d’ici au 1er janvier faire enlever toute pierre, colonne, monument existant sur les tombes. A défaut par elle de se conformer à ces dispositions, l’administration fera procéder d’office à cet enlèvement. »
On peut bien concevoir à quel degré cette affiche a affecté et ému les pauvres Juifs. Dans la frayeur qui les a saisis, ils s’adressèrent à leurs chefs, qui devraient les protéger et qui ne donnaient – naturellement, comme d’habitude – aucune réponse, sinon que « la mesure est définitive ». Or, deux personnes dont les noms méritent d’être relatés à la postérité, Créhange et Bolwiller z. l. se sont saisis de l’affaire. Ils écrivent une petite brochure : « Aux Israélites » qu’ils distribuèrent dans le temple à l’occasion de la fête du Tabernacle, après le service du culte, dans laquelle ils accusent nettement quelques membres du Consistoire d’avoir même sollicité du pouvoir public cette mesure, qui n’aurait pour but que de dégager leurs mausolées sur leurs concessions à perpétuité et de faire de larges chemins sablonnés. Le Consistoire traduisait les deux Juifs en correctionnelle, qui furent acquittés. Cependant il était obligé, au moins en apparence, de faire des démarches quelconques. Il s’adressait au Préfet. Voici ce que l’architecte de la ville, Godde, répond :
« La Ville de Paris n’a pu souscrire aux réclamations faites par le Consistoire départemental avec la plus vive insistance, parce qu’il y avait pour elle impossibilité absolue. La Ville a eu de très grandes difficultés pour acquérir les cimetières qu’elle possède aujourd’hui et de nouvelles difficultés l’attendent dans un temps plus ou moins rapproché, ce qui ne permet pas de regarder comme possible la concession d’un nouveau cimetière aux Israélites. La Ville pense que la mesure adoptée pour les cimetières chrétiens doit être rendue commune à toutes les sépultures temporaires. c’est-à-dire que l’on se contenterait d’inhumer dans d’anciennes tombes, qui au bout de cinq ans, ne conservent que quelques ossements lesquels sont revêtus de terre et reposent à une profondeur de plusieurs pieds des nouvelles inhumations. De cette manière il n’y a ni exhumation ni profanation de tombes. Quant aux chemins que l’administration supérieure veut établir dans les cimetières elle en a le droit et même le devoir ».
A cette réponse l’émotion devient plus grande. On consulte les Grands-rabbins du Consistoire central et du département. Ces deux s’ajoutent un troisième pour former un Beth-Din.
Il est intéressant de copier les questions posées et les réponses rendues.
« Les soussignés Grands-rabbins, auxquels sur leur invitation a bien voulu se joindre le soussigné docteur de la loi et membre du Collège des notables de la Seine ont l’honneur de vous transmettre, ci-après, les réponses aux questions qui leur ont été soumises dans l’Assemblée convoquée par le Consistoire central au sujet des cimetières.
PREMIÈRE QUESTION – Existe-t-il dans nos lois religieuses un texte qui défend l’exhumation des morts et ce texte doit-il s’entendre de manière qu’il défend tout trouble à la cendre des morts ?
Réponse. – Le Yora Déa’, chap. 363. art. 1 et 3, défend expressément l’exhumation et tout trouble à la cendre des morts. Voici le texte : Art. 1 – On ne peut transférer un mort ou des ossements d’une tombe dans une autre, soit que l’une des tombes se trouve aussi convenablement disposée que l’autre, soit que la seconde si trouve plus convenable que la première et à plus forte raison lorsque la première est disposée plus convenablement que la seconde. Art. 3 – On ne peut ramasser les ossements qui se trouvent dans un cercueil ou dans une fosse et le mettre d’un côté, afin de pouvoir y déposer un autre corps.
DEUXIÈME QUESTION – Est-ce un des préceptes qui n’admet religieusement aucune modification, de telle sorte qu’il ne puisse être abandonné, même dans la circonstance que voici : la loi civile française veut que, dans une situation donnée, l’autorité administrative reprenne dans les cimetières les terrains qu’elle n’a pas concédés à perpétuité. Dans ce cas, elle nivelle le terrain, elle creuse plus profondément les fosses existantes dans les creux nouveaux qu’elle pratique, elle fait descendre les ossements qui restent encore, soit dans les fossés à concessions temporaires, soit dans la fosse commune ; puis elle couvre ce creux, et de nouveaux corps sont enterrés au-dessus des ossements anciens, ainsi recouverts. Cette opération que la loi civile prescrit ou autorise à cause de nécessité, notre religion la proscrit-elle d’une manière absolue ? L’interdit-elle de manière qui, nous devons soutenir, par toutes les voies légales et devant les tribunaux, le principe de la liberté des cultes qui s’impose pour nous à cette mesure ? En d’autres termes, pouvons-nous sans violer notre loi religieuse accéder à la demande de l’autorité, ou devons-nous ne céder qu’après une discussion judiciaire et devant l’autorité d’une décision qui ne présente pas de résistance ?
Réponse. – La première partie de cette question se trouve résolue par les textes précités. En effet, on ne saurait admettre la mesure autorisée par l’autorité administrative, sans troubler les anciens ossements et sans agir contrairement à la prescription religieuse, qui défend de déplacer les ossements anciens pour y déposer un nouveau corps. L’article 6 du même chapitre 363 n’est pas moins formel à cet égard. Il porte : « Il est défendu d’ouvrir une tombe dès qu’elle a été fermée sur un mort ».
Quant à la seconde partie de cette question, savoir s’il faut avoir recours aux tribunaux ? Si nous ne devons céder qu’après une décision judiciaire ? Comme il n’existe aucun texte, comme il n’y a aucune disposition dans la loi religieuse qui prescrive les moyens que l’on doit employer pour empêcher la violation des préceptes religieux dont il s’agit, les soussignés déclarent que cette question n’est nullement de leur compétence.
TROISIÈME QUESTION – Existe-t-il dans le Talmud un texte qui défend celte maxime : lorsque les ossements de nos pères reposent dans un cimetière qui ne nous appartient pas en toute propriété et que nous en avons un qui nous appartient, il est du devoir, ou est-il convenable, de les transporter du cimetière qui n’est pas à nous dans celui qui est notre propriété ?
Réponse. – Le dernier paragraphe de l’article 1, chapitre 363, porte : « Si un mort se trouve enterré dans un lieu où il y ait à craindre qu’il ne soit pas bien gardé et pourrait être exposé à des profanations on doit l’exhumer pour le transporter ailleurs ». Or, des ossements déposés dans un terrain qui n’est pas notre propriété, pouvaient être troublés, dans un temps plus ou moins rapproché de nous, on agit donc conformément au texte précité en transférant ces ossements dans un cimetière qui nous appartient, et où nulle profanation n’est à craindre.
Les soussignés font observer que l’exécution d’une telle mesure est facile pour un cas particulier, il n’en est pas de même dans le cas où cette mesure devrait être adoptée pour un grand nombre de morts ; il faut alors prendre les plus grandes précautions pour que les ossements appartenant à différents individus ne soient pas mêlés ; il faut que les ossements de chacun des morts soient mis dans une caisse séparée ; il faut enfin que chaque translation se fasse séparément. Les parents sont tenus d’observer le deuil le jour de la translation.
QUATRIÈME QUESTION – Est-il permis de déposer un corps dans une fosse déjà occupée ?
Réponse. II est permis de placer un corps sur un autre ou sur des ossements, pourvu qu’il y ait entre l’un et l’autre une distance de deux pieds. Ainsi le porte l’article 4 du chapitre 362 : « On ne peut mettre l’un sur l’autre deux cercueils à moins qu’il y ait entre eux une distance de six palmes (deux pieds) (NDLR : de terre pleine, ou d’un matériaux assurant une séparation définitive entre les deux corps, telle une plaque de béton – ainsi que le ‘Hazon Ich l’a accepté).
CINQUIÈME QUESTION – A défaut d’un autre terrain, est-il permis d’enterrer un mort dans un lieu où il y a à craindre qu’il pourra être exposé à des profanations ?
Réponse. – Le défaut de terrain constitue le cas de nécessité absolue et à cet égard les docteurs disent : « On ne peut laisser un mort sans sépulture. Mais dans ce cas on n’enterre que provisoirement et avec l’intention de transporter les ossements ailleurs ». Cela est conforme au § 3 de l’article 1 du chapitre 363 qui porte : « L’exhumation est toujours permise lorsque le corps a été déposé provisoirement et avec l’intention de le transférer ailleurs plus tard ».
Cette consultation est signée E. DEUTZ, Grand-Rabbin du Consistoire central, MARCHAND ENNERY, Grand-Rabbin de la Circ. de Paris ; N. SCAMA, docteur de la loi et membre du Collège des notables de la Seine.
Il ne nous appartient pas de critiquer ce rapport de Beth-Din, qui parait être exact, puisqu’il cite à l’appui le texte même. Mais une seule chose est bien incompréhensible : pourquoi quand ce Beth-Din nous dit : « Il faut, enfin, que chaque translation se fasse séparément », il ne nous cite aucun auteur ? Pourquoi ? On le conçoit aisément. Si la loi religieuse ou même une tradition quelconque l’exigeait, ce serait une opération, même pour un seul cimetière, qui peut demander des années de temps.
Nous avons longuement cherché dans la littérature juive une autorité qui défendrait de transférer en une seule fois 1.000 ou même 10.000 caisses d’ossements de différents individus sans en trouver et nous défions n’importe quel théologien d’en trouver une. C’est ce qu’on appelle Megalé panim betaura chelau quehalaha (NDLR : Ce qui donne, selon la prononciation en cours de nos jours, Megalé panim baTora chélo keHalakha), donner une fausse interprétation dans la loi de la manière la plus élégante.
Pour que le lecteur puisse se faire une idée des grandes émotions qui régnaient dans le public israélite de cette époque, nous copions une lettre écrite par un juif français établi au Maroc. Lettre adressée à un rabbin de Paris et parue dans un journal de cette époque. Voici :
« … Par contre le mal se fait vite. Écoutez. Les Israélites de Paris croyaient jadis avoir un cimetière à eux, un champ de repos. Ces braves gens avaient pensé que leurs représentants avaient stipulé pour eux.
Ils vivaient donc tranquillement, mouraient de même, et comptaient sur les six pieds de terre que dans aucun pays du monde on ne refuse à un Yehoudi, mais ils avaient compté sans leurs hôtes. La Ville arrive et dit : « Vous avez enseveli vos morts dans mon terrain, reprenez vos morts, moi, je reprends mon terrain. Votre piété filiale a élevé une pierre funèbre à la mémoire d’un père vénéré, d’une mère adorée, enlevez ces monuments. Vous êtes bien osés de prendre ainsi possession de ce qui ne vous appartient pas. Cependant, comme la salubrité publique veut que je donne la sépulture à vos morts, je les enterrerai, mais je vous préviens que je serai forcée de bouleverser toutes vos tombes. L’emplacement étant restreint, je mettrai vos morts d’aujourd’hui avec ceux d’hier ».
Mais c’est inouï, mon cher ami, comment ? La tombe d’un homme juste, d’un homme charitable et vertueux, sera profanée au bout de quelques années, ses ossements dispersés et à sa place on mettra une prostituée morte au milieu de ses criminelles débauches. Oui, cher rabbin, et mieux que cela ! si à cette prostituée il reste 500 francs de son infime trafic, elle pourra reposer à perpétuité dans cette même tombe dont on aura privé l’homme de bien et vous n’avez pas protesté ? … Le pauvre peuple a crié, pleuré, mais en vain. Nos représentants seuls ont été entendus et ils ont cédé, car, eux, ils peuvent donner 500 francs pour leurs tombes, et elles seront respectées. Mais les pauvres n’ont plus de champ de repos à Paris. Au jour du jugement, ils viendront demander compte à ceux qui ont laissé violer leur domicile ; ils leur diront : « Si la mesure avait été générale, si la Ville avait voulu profaner vos tombeaux comme les nôtres, si les objets de votre vénération et de votre piété filiale eussent dû, comme les nôtres, tomber sous le marteau des vandales, sous la pioche sacrilège, qu’auriez-vous fait ? » Répondez. Ah ! mon ami, ce n’est pas ainsi que les choses se passent chez nous. Dans mon pays, quand une persécution éclate, c’est par des riches qu’elle commence, et si c’est seulement une affaire d’argent, comme celle de vos cimetières, nos représentants stipulent d’abord pour les pauvres et au besoin on paie pour eux.
C’était comme cela chez nous autrefois ; mais depuis que nous sommes égaux devant la loi, on ne tient pas à l’être devant D’.
Et notre honorable rabbin de protester, et il proteste ainsi : « En conséquence, infortunés qui ne pouvez vous engager à payer 500 francs à la Ville, préparez-vous à voir mutiler cette pierre sur laquelle vous aviez déposé un baiser d’adieu, résignez-vous à voir remuer, bouleverser, disperser ces cendres chéries que vous alliez quelquefois saluer par une prière commençant par ces mots Chalam Elaïh (NDLR : Chalom ‘alaïkh), repose en paix, devenue une affreuse ironie ». La Ville est dans son droit, dit-on. C’est possible ; mais nos chefs ont-ils fait leur devoir ? Non, mille fois non.
1° Ils n’ont pas épuisé toutes les juridictions;
2° Ils ne pensent pas à faire l’acquisition d’un cimetière.
Avec le quart du revenu de la boucherie on payerait en moins de dix ans un terrain où il serait permis à tous de reposer à perpétuité. Ce serait un moyen ingénieux, moral et juste de restituer aux pauvres, après leur mort, ce qu’on leur a pris de leur vivant, en frappant leur nourriture d’un impôt illégal.
Quoi qu’il en soit rien n’était fait. Le rapport du Beth-Din était discuté au Consistoire central en deux séances, le 7 et 14 juillet 1841, sous la présidence de Maître Crémieux, qui tenait un très beau discours (naturellement) qui se terminait par ces mots : « Nous aurions à craindre qu’on nous accusât d’appartenir à un culte incapable de fraterniser avec les autres cultes, si notre loi religieuse ne permettait pas de n’entre le salut des vivants en égard au culte des morts. Trop d’absurdes préjugés sont encore répandus contre notre religion ; ne venons pas en aide à nos ennemis[3]. » Il ajoute : « Plusieurs propositions nous ont été faites, mais avant tout, Messieurs, je veux mettre aux voix une question qui domine tout ; cette question la voici : « Devons-nous résister par les voies judiciaires ou légales à la demande en reprise des terrains de nos cimetières occupés par des fosses temporaires ou par les fosses communes ? » Réponse : « Non », à l’unanimité ! La seconde question : « Achètera-t-on le terrain nécessaire à l’inhumation des ossements de tous les Israélites ensevelis dans les fosses temporaires et communes ; exhumera-t-on ces ossements ; les placera-t-on dans des boites séparées et distinctes et les ensevelira-t-on dans le terrain dont on fera l’acquisition ». Sans autre développement, je mets aux voix cette question. L’unanimité se prononça pour la négative. »
Il est vraiment étonnant de voir comme le défenseur de Dumas pouvait s’attarder à développer la première question qui, juridiquement, n’a même pas aux une apparence d’être fondée ; si ce n’était qu’une pratique d’avocat pour jeter du sable aux yeux, afin de pouvoir mieux taire l’autre question qui était de beaucoup plus intéressante.
Le plus évident est que, depuis, le Consistoire ne considérait même plus la question du cimetière comme se rattachant aux intérêts juif. Nous ne lisons plus cette honteuse affiche de reprise de terrains, dans les parvis du temple, mais bien sur les murs, dans les rues. La communauté israélite de Paris a adopté l’avis de l’architecte Godde qui, et c’est assez curieux, s’accordait d’avance avec l’avis du Beth-Din ; on mettait les ossements anciens à une profondeur de plusieurs pieds des nouvelles inhumations[4], seulement l’histoire ne nous dit pas si un Juif quelconque a surveillé l’opération et ce qu’on a fait, surtout depuis, un temps pendant lequel a passé 15 périodes de cinq ans, si on a ramassé 15 fois les ossements pour les mettre plusieurs pieds plus profondément. Nous penchons plutôt à cette idée qu’on a déjà jeté les premiers aux charniers ! Ce Monsieur Godde était simplement un vrai français civilisé et ne voulait pas répondre : « Fichez-moi la paix, je suis chez moi et le charbonnier est maître dans sa hutte ».
Cependant, comme une bougie qui s’éteint jette de temps en temps des lueurs, tel ce Monsieur Armand DORVILLE z. l., qui, en 1818, envoie une pétition au Consistoire, afin de faire rétablir au cimetière la maison de purification qui s’écroule. Effet ? Nul.
Contrairement à cet Armand DORVILLE, en voici, en 1853, le docteur CAHEN, ancien président du Consistoire, qui, pour prêcher des exemples se laisse enterrer dans la fosse commune, comme premier Juif au cimetière de Montparnasse. Seulement son exemple est resté unique, car les Juifs riches ne le suivent pas et les pauvres l’ont devancé.
En 1854 se fonde une société : « La Terre promise » dans laquelle nous trouvons aussi Crémieux lui-même avec une cotisation annuelle de 500 francs, qui a pour but de fournir à chaque membre un caveau de famille. Quelques années plus tard on reproche à la société qu’elle est chère. La société répond : « Non, ce n’est pas moi qui coûte cher, c’est l’objet que je fournis qui coûte cher ». Nous croyons que tous les deux partis ont raison.
En 1861 un nommé POLACK, né en Bohème, Israélite d’origine et naturalisé français, était l’auteur d’une pétition au Sénat, dans laquelle il demandait au nom de la liberté et de l’égalité la neutralisation des cimetières.
Puisque la société « La Terre promise » ne pouvait pas suffire, au fur et à mesure que la communauté israélite augmentait, moins et moins de morts pouvaient être enterrés selon le rite juif, il se fondait, en 1871, une autre société « Le Repos éternel » qui a pour but la supression de la fosse commune et temporaire. Pour arriver à ce but, elle achetait des caveaux perpétuels, les divisait en case et inscrivait sur une pierre tumulaire les noms des inhumés ; elle mettait chaque case à la disposition des israélites pauvres moyennant un prix de revient de 100-120 francs. La somme n’était pas exigible en une fois. Lors de l’inhumation il est fait des réductions de prix à la famille de ceux qui n’ont pas pu payer la totalité ; une partie des inhumations a été faite même gratuitement. Nous y retrouverons encore une fois Me Crémieux avec une cotisation annuelle de 500 francs.
Bien que ces gens qui ont fondé la Société étaient des gens tout à fait comme il faut, honorables, vertueux, pieux ; bien que dans leurs pensées ils croyaient bien faire, nous avons, malheureusement à leur reprocher beaucoup d’erreurs, commises simplement par l’ignorance de nos lois religieuses.
- De prime abord ils s’autorisaient à mettre la loi religieuse de procurer pour chaque juif une place à perpétuité, au-dessus de la loi civile. Bien qu’ils savaient pertinemment que les tribunaux ont à plusieurs reprises jugé qu’aux terme des articles 1128, 1528, 2226 du Code civil, les terrains concédés dans les cimetières ainsi que les nouveaux qui les occupent sont en dehors du commerce et ne peuvent faire l’objet de vente, d’échange ou de tout autre mode d’aliénation. La preuve qu’ils agissaient en pleine connaissance de cause, résulte de ce fait que les caveaux n’ont jamais été achetés au nom de la Société, mais au profit d’un prête-nom, en voulant ainsi éluder la loi civile. En agissant de cette façon non seulement qu’ils ne se comportaient pas comme des bons citoyens français (j’ai le vif regret de le dire), mais ils commettaient la plus grande transgression contre la loi religieuse elle-même, car celle-ci exige d’une manière absolue la soumission à l’autorité civile. Nous considérons comme le seul et le plus grand mérite du sanhédrin, sous Napoléon, d’avoir prouvé que cette prescription de l’obéissance à la loi de l’Etat est non seulement rabbinique, mais bien biblique.
- On n’observait jamais, à la Société, la prescription religieuse, ni même celle de la loi civile (art. 5 du décret du 23 prairial an XII) de laisser un certain espace libre entre l’un et l’autre corps.
- On ensevelissait même dans la même case du caveau un enfant étranger à la famille de l’occupant qu’on plaçait auprès des pieds du premier, profitant de ce que la bière est au pied moins large qu’à la tête.
- A cet effet, on violait très souvent et les lois religieuses et les lois civiles (art. 6 du même décret) en ouvrant la case après quelques mois, parfois même quelques années d’enterrement, pour y déposer l’enfant.
- On n’observait jamais les rites traditionnels de ne pas enterrer ensemble, dans un caveau deux personnes qui ne vivaient pas en bons termes, ou de ne pas mettre ensemble un homme juste avec un scélérat.
- Il arrivait assez de fois d’enterrer dans le même caveau des personnes appartenant à différents cultes. Si quelqu’un venait demander une place pour un de ses parents, on ne lui demandait jamais – surtout s’il pouvait payer la taxe – si le mort confessait encore la religion juive, de même si on réclamait cette case pour une femme, on ne lui posait jamais cette indiscrète question, si elle était simplement la ou femme légitime mariée et mariée « d’après la loi de Moïse et Israël ».
- Il arrivait encore plus d’horreurs : on louait provisoirement pour une personne – richard, naturellement – une case dans un caveau de la Société, on y mettait le mort et par dessus, d’autres corps, pour pouvoir rendre le locataire il fallait déranger une dizaine d’autres morts.
- Mais où mes chers coreligionnaires mettaient le comble à leur activité erronée, quelque chose qui louchait déjà presque à l’outrecuidance, c’était en 1874. En effet, le 11 avril de cette année, Monsieur F. Hérold, conseiller, plus tard vice-président du Conseil municipal, présente au Conseil son rapport sur un projet grandiose, conçu par HAUSSMANN et repris par lui, projet qui consistait à créer une immense nécropole parisienne d’une étendue de 850 hectares à Méry-sur-Oise, 20 kilomètres de Paris. Pour faciliter la communication, il voulait faire construire un chemin de fer spécial et un métro souterrain pour relier toutes les gares et tous les cimetières. Il y est dit dans ce rapport article 2 et 3 : « A partir de l’ouverture du cimetière de Mery, il ne sera plus délivré de concessions perpétuelles dans les cimetières parisiens. Aucune inhumation en tranchée (– traduisez fosse commune –) qui est contraire à la loi, n’aura lieu dans le cimetière à Méry ».
Si la réalisation de ce projet n’avait aucun autre mérite que celui d’avoir supprimé ce trou horrible qu’on appelle la fosse commune, où on entasse pêle mêle pour cinq ans tous les pauvres êtres humains, qui ont bien contribué par leur travail manuel à la grande fortune et à la renommée de la France, mais néanmoins ne pouvaient pas économiser pendant leur vie la somme nécessaire pour une concession dans un cimetière. cela aurait déjà été une grand soulagement pour l’humanité, mais, chose assez curieuse, mes chers coreligionnaires n’en voulaient pas et protestèrent avec… l’archevêque. Ils prétendirent qu’avec la suppression des cimetières parisiens on aurait en même temps anéanti le culte des morts. Les Parisiens ne pourront plus aller planter des fleurs et prier sur les tombeaux.
Le président de la Société « La Terre promise » adresse le 14 avril 1874 à Monsieur VAUTRAIN, président du Conseil municipal de Paris, une pétition dans laquelle il écrit : « Le projet compromet tellement l’existence de la Société « La Terre promise » que nous n’hésitons pas à vous communiquer notre vive appréhension ».
On comprend : plutôt laisser subsister la fosse commune que de supprimer « La Terre promise ». Pensez-vous, il y aura un président de moins. Le président de la société « Repos éternel » fait publier dans les journaux : « On dit que la création du cimetière Méry aura au point de vue de notre croyance, l’avantage de supprimer la fosse commune ; en ma qualité de président de cette œuvre, je dois dire que la fosse commune est officieusement supprimée. Le Consistoire n’a pas voulu la supprimer parce qu’il aurait eu une dépense de 30.000 francs par an ».
Cela veut dire : c’est moi qui l’ai supprimée et point besoin de cimetière de Méry ! Ainsi le « Repos éternel » ayant eu une existence illégale, la police l’a supprimé.
Nous sommes sûrs que nos honorables coreligionnaires, bienfaiteurs, sûrement, ne tomberont plus dans des erreurs semblables bien que de certains côtés il y en a tendance encore aujourd’hui.
Ici, il convient d’intercaler l’histoire d’un autre procès qui a eu pour nous, israélites, des conséquences des plus fâcheuses. En 1871, un Protestant achète une place, pour sa soeur décédée, que l’administration lui cède au cimetière communal dans la rangée ordinaire. La fosse était faite et au dernier moment, protestation du curé qui s’oppose à l’enterrement de la Protestante auprès d’un Catholique. L’acquéreur refuse une autre place écartée du chemin, près du mur. Il adresse des plaintes au maire, préfet, ministre, nul succès. Il fait transporter son mort dans la province où il existe un cimetière protestant et attaque le maire devant le Conseil d’Etat en dommages-intérêts. Nous citons quelques mots intéressants de Me David, commissaire du gouvernement près du Conseil d’Etat. Il dit : « Toutefois, dans quelques villes, notamment à Paris, en raison, sans doute, de la présence fréquente dans les mêmes familles de membres appartenant à différents cultes, de la difficulté de séparer dans le tombeau ceux qui avaient été unis dans la vie par les liens du sang, une sorte d’entente tacite s’est établie entre les divers cultes chrétiens pour ne pas réclamer des lieux d’inhumation distincts. Quoi qu’il en soit, tant que le décret de l’An XII n’aura pas été modifié, le droit n’en existe pas moins pour chacun des cultes reconnus par l’Etat d’avoir un lieu de sépulture particulier et distinct, conformément aux conditions déterminées par l’article I5 de ce décret dans toutes les communes où ne s’est pas établie d’un commun accord la pratique contraire ». La ville était condamnée.
Comme l’effervescence parmi les partis de différents cultes devenaient toujours plus forte, les Protestants réclamaient de la commune, eux aussi, comme culte reconnu, un cimetière distinct. Les libres-penseurs de protester, et comme dans cet état de choses le Consistoire, en 1881, sur la proposition du Comité de bienfaisance, adressait une supplique à M. le Préfet de la Seine à l’effet d’obtenir l’extension du cimetière Montparnasse. Prière qui était aussi accordée. Le gouvernement en a eu assez. Se souvenant de la pétition du sieur POLACK, bohémien, au Sénat, il dépose, en 1881, un projet de loi consistant dans un article unique disant : « L’article 15 du décret du 23 prairial An XII est expressément abrogé ». Nous croyons assez intéressant de citer quelques paroles du rapporteur, M. Raimu, de cette loi à la Chambre des députés d’après le Journal Officiel : « Dans une commune où il y a plusieurs religions reconnues et en même temps la possibilité pour chacun d’acquérir son cimetière il n’y a pas de difficultés ; les sectateurs de telle ou telle religion s’adressent au gouvernement et offrent un terrain. L’administration examine la question au point de vue hygénique surtout et au point de vue de nécessité et ressources accorde ou n’accorde pas l’autorisation ; elle est généralement accordée, dans tous les cas elle peut être accordée… Les Israélites trouvent le plus souvent, bien que ce ne soit pas arrivé partout[5], le moyen d’avoir leur cimetière particulier. »
Et le Consistoire, qu’a-t-il fait à cette menace? Vous demanderiez, cher lecteur. Rien.
Mais il est excusable, tout le monde comptait que le Sénat n’accepterait pas cette loi, qui semblait être une atteinte à la liberté de conscience ; mais, en fait, n’est que justice, comme celle de la séparation des Eglises et de l’Etat.
A l’occasion de la délibération de la Commission chargée de rapporter la loi devant le Sénat, se présentent, en effet, devant cette Commission, Monsieur Isidore Grand-Rabbin et Monsieur le baron Alphonse de Rothschild en qualité de président du Consistoire central. Ce dernier s’exprime ainsi : « Les cimetières, comme l’église, le temple ou la synagogue, étant des lieux consacrés aux cultes, leur fusion en un seul ne peut pas plus être réclamée au nom de l’égalité que celles des églises, des temples, des synagogues, et comme conséquence, il nous est impossible, ajoute-t-il, d’accepter l’abrogation proposée parce que la confusion des cimetières serait contraire à toutes les traditions de notre culte et froisserait pour nous dans ce qu’il a de plus intime, le principe supérieur de la liberté de conscience ».
Le Grand-Rabbin dit : « Tout le monde connaît la sévérité de nos prescriptions à l’égard des symboles matériels qui représente la divinité. Il suffit qu’il s’en trouve dans un lieu pour que le culte israélite soit absolument rendu impossible. Si donc les cimetières en commun étaient établis par la loi, ou bien il faudrait que les israélites cessassent d’y pratiquer les cérémonies de leur culte, ce qui serait une violation de leur propre liberté religieuse ou bien il faudrait en faire disparaïtre les symboles matériels représentant la divinité, ce qui serait la violation de la liberté religieuse d’autrui, déplorable alternative qu’il faut également éviter pour ne pas porter atteinte à un des grands principes du droit modernes. »
Tout cela est exact et parfait, et nous ne croyons pas qu’il existe un seul Juif qui n’y souscrira pas, mais comment se fait-il alors, que presque le lendemain, après le vote définitif– le 14 novembre 188 ! – [6] le Consistoire a continué à envoyer aux dits cimetières simultanés des rabbins pour y célébrer le service du culte ? Et encore devant la fosse commune ? Comment se fait-il que le Consistoire n’a jamais pensé à l’acquisition d’un terrain.
Involontairement, il nous vient en mémoire cette plainte de la pauvre femme russe, qui a eu le malheur de perdre un enfant qu’on a enseveli dans la fosse commune. Elle rencontra là, au bord, un rabbin faisant le service, elle l’a prié instamment de lire sa prière aussi pour son enfant. Le rabbin lui a demandé : « Avez-vous fait la déclaration au Consistoire ? – Non, Monsieur le rabbin. – Alors je ne puis pas prier ». La pauvre femme insistait encore avec des larmes aux yeux, mais en vain.
N’incriminons pas, ce rabbin était un honnête homme, il savait bien que sa prière ne sert à rien. Et l’autre prière vous demanderiez. L’autre ? Parbleu, l’autre sert à quelque chose. Il prêche pour sa paroisse.
Ici nous profitons de l’occasion d’accuser vaillamment la société la « Terre promise » d’avoir failli à ses devoirs les plus sacrés. Elle a vendu et garanti aux membres de la société des sépultures familiales dans un cimetière éminemment juif, c’est-à-dire séparé des autres par un mur ou fossé. Or, depuis 1881, l’abrogation de l’article 15 du décret du 23 prairial An XII, la municipalité ne fait plus dans les cimetières des distinctions ou prescriptions particulières à raison des croyances ou du culte des défunts. Aux termes de l’article 97, § 4, de la loi du 5 avril 1884, le maire violerait aussi la loi s’il partageait le cimetière communal en endroits spéciaux pour les Juifs, Protestants, libres-penseurs, suicidés, etc. Maintenant on les entasse tous les uns auprès des autres. Tout cela est exact, de façon à ce qu’il n’y a absolument pas à objecter, mais, modestement dit, sans être juriste, la commune n’a pas eu les droit d’enlever les murs ou de remplir les fossés des séparations. Les lois de 1881 et 1884 n’ont pas d’effet rétrograde. En conséquence, ceux de nos coreligionnaires qui ont acheté leurs places avant l’année 1881 ou les membres de la société « La Terre promise » qui ont commencé à verser leurs cotisations avant cette année, ont bien le droit de rester aux cimetières entre eux, c’est-à-dire entre Juifs. Les grands tzadiquimes (sic – hommes justes) telles que les familles lthamar, Prosper Cohen, Crénage, Bolwiller, Arm. Dorville, Merzbach, Lehmann. Docteur Klein, etc., z. l. n’auraient jamais consenti à être enterrés dans un cimetière en commun. Ils auront donné toute leur fortune pour accomplir leurs devoirs religieux, par conséquent d’être parmi les Juifs. La situation créée malgré eux est une grave atteinte à la volonté des défunts.
La société « La Terre promise » a-t-elle fait quelque chose en faveur de ses membres décédés ? Rien. A-t-elle fait des observations à la ville de Paris, ville de la lumière, pour lui exposer l’atteinte grave au droit de la propriété privée. Non plus. La ville de Paris ne se doute même pas de la gravité du coup qui touche si vivement au coeur des Israélites pratiquants. Il nous semble qu’un arrêté du Conseil d’Etat pourra bien forcer la commune à remplacer les séparations et à enlever les corps qui n’y appartiennent pas.
Alors, quels sont donc les remèdes à cette situation inquiétante ? Comment pourrions-nous satisfaire à nos devoirs religieux les plus impérieux ? Vous nous demanderiez. Il n’existe qu’un seul remède. C’est l’acquisition d’un terrain pour établir :
Un cimetière juif spécial
Bien que l’article 15 du décret du 23 prairial An XII, qui est abrogé, ne nous l’impose plus, mais la loi ne nous le défend pas non plus. Il n’existe nul article, nul paragraphe sur lequel on pourrait se fonder pour nous défendre d’avoir notre cimetière pour nous. L’exercice de notre culte nous est garanti par la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen qui dit : Art. 10. – « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions même religieuses ».
Ce principe est encore consacré par toutes les lois postérieures, plus récemment par la loi de 1905 sur la séparation des Eglises et de l’Etat. Si quelqu’un, une personne privée ou une comnune, nous vend un terrain que nous payons de nos deniers en « pièces sonnantes ayant cours chez le marchand » et une enquête commodo et incommodo a prouvé que l’établissement d’un cimetière n’est pas contre les lois sur la salubrité publique, aucun pouvoir ne peut l’empêcher ; jamais aussi une autorité française quelconque n’a essayé de le faire. Au contraire, la grande majorité de nos concitoyens, qui confessent la religion chrétienne, ne demandent pas mieux et la minorité, libres-penseurs, ne peut nous contraindre à prendre notre dernier repos avec qui bon leur semble. Encore une maxime fondamentale des Droits de l’Homme : Article 5. – Tout ce qui n’est pas défendu par la loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas ». Si une autorité, par un excès de pouvoir, mettait des obstacles, nous pouvons avoir recours au Conseil d’État. Mais où, à
Quel endroit ?
A Paris même, c’est impossible. Si nous achetions les Champs-Elysées pour établir un cimetière l’enquête commodo et incommodo donnera certainement des résultats les plus déplorables. Nous nous procurerons ce terrain-là où cela pourra se faire.
Nous sommes, non seulement pas pour Paris même, où c’est chose impossible, mais même pas pour sa banlieue immédiate. Nous sommes pour l’éloignement tant que ça puisse se faire. Même à Méry-sur-Oise.
Nos lois religieuses ne nous commandent pas d’aller très souvent prier sur les tombeaux des parents et amis et de porter toujours le deuil au cœur. Aller visiter le cimetière et prier, non pour les morts, mais pour les vivants, une fois par an, aux mois d’éloul ou tichri est plus qu’il n’en faut. Nos traditions nous défendent d’élever aux morts des mausolées magnifiques, d’ériger des monuments grandioses. Une simple pierre, la plus dure possible, avec le nom du défunt suffit. Ce ne sont pas de mœurs juives de planter des fleurs ni même de les porter. Quant à la distance et pour l’accomplissement de ses devoirs aux enterrements, convois, elle ne met plus des obstacles. Les moyens de locomotion que la science à mis à notre disposition nous a facilité la communication. Quelques autobus construits par l’administration du cimetière feront l’affaire et le métro, rêve de Monsieur Herold, est déjà réalisé. Mais où se procurer
Les fonds ?
Pour cela nous avons trois plans.
1° D’après les préceptes, traditions, moeurs juives, les recettes provenant des morts doivent être dépensées pour des autres morts. Le Yora Déa’, chap. : 365, 1, porte : « Si on fait une quête pour pouvoir enterrer un mort pauvre et au moment de recueillir les aumônes on a conditionné que la somme recueillie ne sera employée que pour lui, on est obligé de donner le reliquat, s’il y en a, à ses héritiers pauvres, car on a offensé le défunt (en publiant son indigence), mais si la quête était faite sans condition aucune, on ne doit employer le reste que pour des autres morts. Or le compte-rendu de notre association cultuelle indique actuellement un produit annuel de taxes d’inhumation de 54.609 francs. Avec une semblable somme pourra être vite payé un cimetière juif suffisant pour cent ans. Mais nous avons trop de soucis pour la réussite de notre association nous ne le demandons pas ce produit, Avec plus d’équité nous pourrions demander que :
2° L’Association cultuelle nous garantisse un emprunt gagé par ces recettes. Cet emprunt pourra être réalisé par exemple par l’émission de 3.000 obligations à 100 francs chaque remboursables par voie de tirage chaque année, au moyen des fonds provenant des recettes du cimetière lui-même. Pour faciliter la transaction, on pourra stipuler que la famille qui souscrira plusieurs obligations de quelques milliers de francs recevra une place choisie pour construire un caveau de famille et son nom sera gravé sur une plaque de marbre qui sera apposée dans la maison de purification construite à l’entrée du cimetière.
Si, par impossible, l’administration de notre Association cultuelle regrette de ne pas pouvoir accorder ni l’un ni l’autre, alors il ne nous reste que de :
3° S’adresser directement à la bonne volonté de nos coreligionnaires eux-mêmes. Nous sommes actuellement au nombre d’à peu près 100.000, si chacun d’eux voulait nous donner 3-4 francs, les fonds nécessaires seraient vite obtenus. Pour cela nous ne demandons de notre Association cultuelle que l’appui moral qu’elle ne nous refusera certainement pas. .
Notre distingué Grand-rabbin de France finit son exposé « Du Deuil et des Cérémonies funèbres chez les israélites » par cette phrase : « Cherchez dans le judaïsme la moindre trace de matérialisme, osez prétendre, que pour lui l’individu n’est qu’un atome qui va se perdre dans le grand tout, qu’il n’admet ni l’immortalité, ni la rémunération future, chaque page de ce travail proteste contre ces allégations ».
Messieurs les Rabbins Lévy, Dreyfuss, Weisskopf, c’est à vous que nous nous adressons. Voulez-vous qu’on nous reproche que vous et nous sommes des matérialistes, que nous nions l’immoralité de l’âme, et la rémunération future ? Certainement que non ! Prêtez-nous alors votre bien précieux concours. Votre appui moral tant estimé et à si juste titre jugé important par nos coreligionnaires nous aidera sûrement à obtenir ce qui est notre plus grand désir : le Cimetière juif ; et la postérité comme la génération présente vous bénira. Si nous ne l’avons pas maintenant, c’est simplement par le manque de volonté de la part de ce Consistoire reconnu et entretenu par le gouvernement par conséquent aussi pourvu d’un Conseil judiciaire. Heureusement ce Consistoire n’existe plus. Nous sommes libres. Alors, Messieurs, un peu de vouloir, car :
Vouloir est Pouvoir.
En attendant ce cimetière juif, la vraie terre promise, nous conseillons à ceux de nos coreligionnaires dont les inquiétudes de leur conscience les empêcheraient de se faire enterrer dans un cimetière simultané, d’acheter une petite propriété pour quelques centaines de francs et de se faire ensevelir chez eux. Voici la loi les concernant :
Article 14 du décret du 23 prairial An XII (qui est encore en vigueur), – Toute personne pourra être enterrée sur sa propriété, pourvu que ladite propriété soit hors de la distance prescrit de l’enceinte des villes et bourgs[7].
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* *
Puisque nous avons plaidé pour une oeuvre humanitaire, il nous convient aussi de faire une petite réclame. Pour attirer également l’attention de nos lecteurs et lectrices sur une chose sentimentale qui touche surtout ceux qui ont un coeur sensible.
En 1900 s’est fondé à Paris une « Société française anonyme du cimetière pour chiens » au capital de 350.000 francs : 3.500 actions à 100 francs dont 1.000 d’apport et 2.500 souscrites et libérées à 75 francs. Le cimetière est presque à la porte de Paris et occupe une des plus belles îles de la Seine. L’île de recette, à gauche du pont d’Asnières. Etant donné que l’oeuvre était éminemment animaliteure et hygiénique l’enquête commodo et incommodo était bien vite couronnée du succès. La souscription (on le dit) plusieurs fois couverte. L’administration assure qu’il y a actuellement 11.000 sépultures. Une concession trentenaire coûte pour une dim. 80 X 100 cm 100 francs et à perpétuité le prix est à débattre. On y voit des monuments et des statues en marbre grandioses avec des inscriptions qui touchent au coeur, telles que « A mon Toutou bien chéri », « A mon Loulou bien-aimé ». Tout de suite à la porte d’entrée à droite on remarque la sépulture du chat de feu Henri Rochefort, mort deux jours après son maître, de chagrin qu’il ne l’a pas devancé, etc., etc. Parmi les inscriptions une citation de Pascal : « Plus je vois tes hommes, plus j’aime mon chien ».
Conclusions générales
Le problème des cimetières parisiens pour la communauté juive
Cela fait trois ans que Kountrass a pris le flambeau de la sauvegarde des tombes juives à Paris, et de la réinhumation des corps enlevés de leurs tombes – en fait, dans le but de résoudre un problème vieux de quelque deux siècles !
La municipalité de Paris nous fait savoir sa réponse : « Mais nous n’agissons que selon la loi, que voulez-vous ? »
Les responsables communautaires déclarent : « Les pouvoirs civils constituent pour nous la seule référence ; rien n’est à changer. »
D’un autre côté, les dirigeants mondiaux du judaïsme actuel déclarent qu’il faut tout faire pour assurer le respect des morts juifs en France selon nos critères ! Il s’agit du rav Steinman, du rav Kanievski, du rav Karélits, des Grands rabbins d’Israël, le rav Yits’haq Yossef et le rav Lau, des grands Bathé Dinim d’Erets Israël, sans citer les nombreux autres rabbanim qui se sont exprimés dans le même sens.
Sans doute aucun, le scandale serait terrible si le judaïsme mondial savait dans quelles conditions catastrophiques nos morts « reposent » à Paris – et pas en paix, à dire vrai…
En fait, on peut se demander dans quel pays au monde une personne qui a déposé en terre ses parents quelques décennies plus tôt peut vouloir venir visiter leur tombe et ne plus rien trouver ! Ni tombe, ni même une plaque souvenir quelconque…
Tentons ici de comprendre ce que nous avons à répondre aux uns comme aux autres, et ce qui doit changer pour que cette situation inconcevable arrive à sa bonne issue.
Face à la municipalité
A la municipalité, nous répondons : personne d’entre nous n’attend de vous d’aller contre la loi, c’est évident.
Toutefois, une question de principe se pose : est-ce que vous pouvez aller contre la conscience des gens ?
Et à quel titre ? Celui de décisions « laïques » prises voici deux siècles, quand de toute évidence, le respect de la conscience d’autrui est bien plus compris à notre époque qu’alors ?
De nos jours, selon le rapport du Pr Machelon, 80% des Musulmans sont obligés d’envoyer leurs morts en-dehors de France – et les familles juives conscientes du problème en font de même. Est-ce là une situation normale ?
Et que fait-on des corps repris ? L’article 47 du règlement général des cimetières parisiens (2005) stipule : « Les restes mortels provenant des concessions perpétuelles et centenaires abandonnées et reprises sont placés dans des reliquaires et sont soit conservés dans un ossuaire spécial, soit incinérés. » C’est clair, non ?
Faut-il rappeler que ceci va totalement à l’encontre de la tradition juive ?
Jusqu’à voici peu, la loi savait respecter la volonté des Israélites de ne pas voir leurs restes funéraires envoyés à la crémation. Cela a changé : il faut depuis 2011 avoir déclaré de son vivant son opposition à une crémation, l’opposition « présumée » ne suffit plus (loi n°2008-1350 du 19 décembre 2008, article 19, amendée par la loi n°2011-525 du 17 mai 2011, article 26). Combien cette précaution élémentaire est-elle importante pour quiconque accepte encore de se faire enterrer dans les carrés israélites municipaux !
Puis, il s’agit du respect de l’histoire du peuple juif, qui a tant souffert en Europe, voici quelques décennies. Le Parlement européen a pris plusieurs décisions concernant la sauvegarde des cimetières juifs en Europe, et demande aux Etats membres de « préserver et de restaurer les lieux d’enterrement juifs. » La France n’y adhèrerait-elle pas ?
Une seconde série de questions se posent, plus techniques.
L’exhumation, selon notre tradition, ne peut être réalisée que par l’intermédiaire de préposés juifs, habitués à cette difficile mission. Dans les cas où, malheureusement, les familles ont accepté des concessions pour un temps limité (30, 50 ans), et où aucun de leurs membres n’est plus présent pour payer la prolongation du contrat, pourquoi la municipalité n’accepterait-elle pas que la communauté juive s’occupe de cette délicate mission ?
En outre, pourquoi décider que seuls des descendants directs peuvent s’intéresser au sort de ces tombes en déshérence ? Pourquoi ne serait-ce pas les prérogatives de la communauté à laquelle ces gens appartenaient, qui pourrait le faire en leur nom – à l’exemple de ce qui s’est réalisé avec la communauté musulmane de Lyon ?
Par ailleurs, quand la municipalité constate que la pierre d’une sépulture, même acquise à perpétuité, devient fissurée, à quel titre peut-elle décider d’en enlever également le corps ? Laissez-le en paix, puisque la famille vous a payés pour un « repos » éternel ! Otez la pierre tombale déficiente, qui n’a pour notre tradition, de toute façon, aucune importance… mais laissez en paix les corps de ces pauvres gens qui vous avaient fait confiance !
Enfin, quand pour telle ou telle raison, un corps a été transféré à l’ossuaire, il devient dorénavant « propriété de la ville », déclarez-vous. Avec circulaire du Ministre de l’Intérieur à l’appui. Néanmoins, à quel titre pouvez-vous agir ainsi envers les restes funéraires de nos grands-parents ? Nous vivons là une situation aberrante.
Comment une notion si absurde a-t-elle pu naître ? Les ossements, restes funéraires d’une personne, deviennent-ils ainsi propriété d’un individu, ou d’une collectivité ?
Quand la France a été amenée à collecter les restes funéraires chrétiens d’Algérie, nous a rapporté le Consul de France de Tel Aviv, M. Matton, alors en poste à Alger, ses autorités ont tenu à le faire dans la dignité, chaque corps recevant une place et une plaque nominative visible à l’extérieur. Ainsi, la famille se trouvait en mesure de se rendre sur le site pour s’y recueillir. Sans rentrer dans les conditions d’exhumation et de ré-ensevelissement qui seraient les nôtres, nous pouvons tout de même demander à la municipalité pourquoi nous sommes privés du droit ô combien élémentaire de visite et de recueillement ; de fait, l’accès à l’ossuaire est interdit au public ! Les corps sont déposés dans des boîtes numérotées, sans sépulture, parmi les non-Juifs (selon la réponse des services de presse de la municipalité à notre égard, la tolérance des carrés juifs n’y étant pas permise). C’est pratiquement « mission impossible » de recevoir à nouveau ces corps !
Nous devons toutefois reconnaître que la municipalité sait déjà se conduire avec plus de respect envers nos morts : on n’envoie plus, depuis 2010, les restes funéraires à la crémation (mais auparavant…) ; certains cimetières hésitent même à reprendre administrativement les concessions dont le bail est arrivé à expiration ; et, finalement, nous savons que trois corps ont tout de même été restitués depuis l’ossuaire, durant les 15 dernières années (ceux du couple Tedesco et, auparavant, celui du rav Yehochoua’ Herschel Léwin zatsal), certes après de longs et coûteux efforts.
Pourtant, avant de conclure avec nos attentes de la municipalité, voyons celles que nous avons du Consistoire.
La communauté juive
Dr Emmanuel Rosenbaum, un médecin juif connu qui a œuvré à Paris et à Berlin au début du XXème siècle, a prouvé, dans une brochure éditée en 1914, que tout aurait pu être différent, si seulement les autorités religieuses de la communauté, – enfin, celles mises en place par Napoléon –, avaient su exiger de la part du pouvoir civil un site funéraire indépendant !
Comme cela n’a pas été le cas, et que nos morts doivent reposer depuis lors dans des cimetières municipaux, la situation est devenue terrible : l’ensevelissement est, de fait, devenu provisoire dans tous les cas ; les carrés juifs bougent, et perdent leur identité au fur et à mesure que les tombes de Juifs sont reprises par la municipalité et vendues à qui le veut ; les corps des chanceux sont déposés dans l’ossuaire avec menace permanente d’être envoyés à la crémation.
Des nouveaux « carrés juifs » ? Selon des témoignages incontestables, ils peuvent être créés au-dessus d’anciens carrés non-juifs avec présence des « anciens » ossements.
Or, comment un Juif conscient de ses devoirs peut-il dormir tranquille quand il sait que, du fait de l’acception de la conduite de la municipalité, des centaines, peut-être des milliers de corps juifs reposent dans l’ossuaire du Père-Lachaise ?
Soit dit entre parenthèses, personne ne sait combien de Juifs s’y trouvent entassés, puisque ce site est hermétiquement fermé à « toute personne étrangère au service » – fait déjà déplorable, et plus qu’inquiétant : qu’a-t-on à si bien cacher ?
Toutefois, de divers témoignages, nous savons qu’en avant-guerre, pratiquement tous les Juifs n’avaient droit qu’à cinq années de paix en tombe. En 1914, juste pour l’année avant la parution de la brochure citée plus haut, 800 Juifs avaient de la sorte vu leurs corps jetés dans des catacombes, et ailleurs…
Pour sa part, en 2008, le dayan du Consistoire, le rav Yirmiahou Cohen, témoignait du fait que l’on exhumait trois corps par jour (Vehérim hakohen, IV,65). Le vice-président du Consistoire central, M. Jack-Yves Bohbot, parlait l’année suivante, dans une interview accordée au Figaro (5 septembre 2009), de 1000 exhumations par an !
Ce même dignitaire témoignait également d’une autre réalité gênante : « Le carré juif [de Pantin] est plein à craquer. Désormais vous pouvez voir dans la 78e division des tombes juives mélangées avec celles des autres défunts. Pour les personnes désirant respecter les règles de la tradition juive, c’est un vrai souci. »
Et, avant tout, le silence ! Voici une bonne conduite lors d’une visite dans un cimetière, mais elle devient impardonnable quand il s’agit d’empêcher le public de nos communautés d’être tenu au courant des problèmes posés par un ensevelissement dans un cimetière municipal français, et en particulier à Paris ! Or, aucun effort n’est déployé en ce sens : on laisse les gens acheter des concessions temporaires et on n’avertit personne des risques pris à long terme dans ce domaine.
La loi civile mérite respect, c’est notre loi religieuse qui l’exige (Nedarim 28a) !
Toutefois, les présentes exigences ne vont en aucune manière contre les décisions de la loi, ou de la municipalité.
De là, passons aux éléments qui nous semblent permettre une issue à la situation présente.
Les exigences de la communauté juive
- Sans aucun doute, seule l’autorisation de la création d’un cimetière juif peut permettre de résoudre entièrement ce problème. Cela est possible au niveau de la loi européenne, et la communauté juive doit mettre sur pied un lobby pour la faire appliquer en France.
- Or, dès maintenant, il faut que cesse l’exhumation de corps juifs par des fossoyeurs de la municipalité. Ceci, quand elle est justifiée aux yeux de la municipalité et que malheureusement, nous n’avons rien pu faire pour l’entraver ! Il faut qu’un groupe de personnes juives qualifiées soit formé pour ce faire, et œuvre sous la surveillance d’autorités rabbiniques spécialisées en la matière (tel le rav Ruza de ZAKA, comme on sait).
- La communauté doit arriver à un accord avec la municipalité en ce qui concerne les corps déjà exhumés, afin de les remettre en terre, avec tout le respect qui leur est dû. Ceci devrait du reste constituer l’intérêt premier de la municipalité, puisque l’ossuaire du Père-Lachaise est saturé.
- La municipalité doit également accepter la formation d’une institution à partir de la communauté juive, toutes tendances confondues, responsable de tous les restes funéraires juifs de la région parisienne (et ailleurs en France, là où ce problème se pose), même en l’absence de tout descendant. A notre avis, il ne peut s’agir là que d’une représentation rabbinique de haut niveau, indépendante du Consistoire, et ayant pleins pouvoirs pour cela. Ainsi, nul ne pourra, à l’avenir, critiquer les décisions éventuelles. Cette représentation rabbinique devra recevoir l’accord des plus hautes autorités juives mondiales du moment, en réponse à l’inquiétude exprimée par eux face à la situation préoccupante qui règne actuellement – et depuis deux siècles – en France.
Car, honte à nous : l’une des personnalités les plus marquantes du judaïsme moderne, rabbi Israël de Salant, a passé les deux dernières années de sa vie à Paris (1881-83). Sentant ses jours comptés, il a déclaré : « On ne peut pas mourir à Paris » ! Il est reparti en Europe Centrale, pour s’éteindre à St-Petersburg… Nous comprenons parfaitement ses craintes !
Paris ne cherche évidemment pas à ce qu’on meure entre ses murs. Néanmoins, cette capitale doit certainement se montrer intéressée à garantir aux Juifs qui y vivent un respect à leur dernière heure. Or, ce n’est pas le cas actuellement.
Dans la parachat ‘Hayé Sara, nous sommes amenés à constater l’existence de l’obligation d’enterrer les défunts du peuple juif en une tombe séparée, et l’interdiction totale de les ensevelir parmi les non-Juifs. Cette instruction ne s’applique pas uniquement a priori. Même a posteriori, si un Juif a été enterré parmi des non-Juifs, nous avons l’obligation de l’en faire ressortir et de l’inhumer dans une tombe juive séparée, ainsi qu’il ressort des décisionnaires.
D’après rabbi ‘Hayim Soloveitchiq zatsal, grand-père du présent auteur, rav J. B. Soloveitchiq, in « Néfech harav », l’offense, pour le mort juif, d’être enterré parmi les Gentils, était telle que même un Kohen, s’il est le seul présent, peut s’occuper de ce corps et l’amener à une tombe juive. De fait, on peut le considérer comme un « meth mitswa », pour lequel un Kohen peut se rendre impur (certains se sont toutefois opposés à cette décision).
[1] Aux termes de l’article 4 de l’ordonnance du 6 décembre 1843, le terrain nécessaire aux séparations et passages établis autour des concessions devra être fourni par la commune. (En conséquence il lui appartient aussi.)
[2] Rendons, cependant, hommage à Monsieur Osiris qu’il savait profiter de la leçon qu’il a reçue par la communauté de Bordeaux. Voici. en effet, quelques conditions de son traité conclu au mois de juillet 1875 avec la Société civile (administration) du temple de la rue Buffault : Monsieur Osiris s’engage à faire élever et à payer de ses deniers un temple et ses accessoires sous les conditions suivantes d’après les plans et devis dressés par FERRAND, architecte.
Monsieur Osiris stipule formellement que le temple dont il s’agit sera à perpétuité consacré à l’exercice du culte israélite selon le rite espagnol-portugais dit sephardi. Au cas, où par impossible, le temple cessera d’être affecté à cette destination, la Société civile ou ses ayants droit ou les propriétaires de l’immeuble quels qu’ils soient devront rembourser une somme de 200.000 francs à Monsieur Osiris ou à ses ayants droit.
Dans un deuxième traité il stipule : « Dans la nouvelle synagogue on devra suivre exclusivement le rite spehardi dit portugais tel qu’il se pratique actuellernent au temple de la rue Lamartine, à Bordeaux, à Bayonne. et Amsterdam et dont le rituel est du ‘hazan Mendes.
Aucune administration israélite du temple ni présente, ni future ne pourra modifier ou atténuer sous aucun prétexte ce qui concerne le rituel, ni provoquer aucune mesure administrative ou judiciaire tenant à changer la destination entière de l’immeuble, n’en distraire aucun partie, ni porter atteinte au rituel sus-désigné.
La statue « Moise » qui lui est restée sur le dos se trouve dans le jardin de l’Ecole Normale, à laquelle il en a fait cadeau. En 1900 notre feu coreligionnaire achète le château La Malmaison et le fait cadeau à l’État.
[3] II convient de faire remarquer qu’en 1863 Me Crémieux voulait pour les mêmes raisons abolir le Chabbath, pourquoi il était vivement attaqué, par le rabbin Dr LEHMANN DE MAYENCE, dans l’Israélite.
[4] Six pieds, dit le Beth-Din.
[5]Parfaitement ! Monsieur le Rapporteur. Nous connaissons deux communautés, où ce n’est pas arrivé. Ce sont : Paris et Aulnay sous-Bois.
[6] Quelques noms de nos coreligionnaires députés qui ont voté pour la loi ; aucun contre. BAMBERGER, BLANC, DREYFUS (Ferdinand), NAQUET (Alfred).
[7] A 35 à 40 mètres au moins. Voyez art. 2 du même décret.
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