Les élections du Consistoire de Paris ont laissé l’ancienne équipe en place, celle dirigée par le Dr Mergui. Souhaitons que ce groupe saura faire face aux nombreux problèmes qui se posent dans le cadre de la communauté regroupée dans l’enceinte du Consistoire : relever le niveau de la cacherouth tout en faisant baisser les prix, réunir les communautés tout en leur permettant d’avancer dans la voie de la Tora, accepter la nomination de nouveaux Grands-rabbins, s’occuper de la jeunesse, etc.
Comme cela a été écrit dans les colonnes du Yated Nééman voici quelques mois, à la suite de notre enquête et des grands échos qu’elle a eus dans le public religieux en Erets Israël et à l’étranger : on parle souvent de l’inquiétude face à l’avenir de la che’hita en Europe ou ailleurs ; c’est un point effectivement grave. Mais finalement, il est toujours possible de nos jours d’accélérer l’importation de la viande en provenance d’une autre partie du monde où l’abattage rituel est encore permis. En revanche, le scandale du traitement apporté aux restes funéraires dans la région parisienne dépasse l’entendement ! Une telle situation n’a jamais été connue dans le passé, et de nos jours, nulle part une telle conduite n’a pu être relevée (excepté en Belgique où les orthodoxes se déplacent jusqu’en Hollande pour y enterrer leurs morts en sécurité).Pour notre part, le sujet pour lequel nous attendons une action intensive de la part de ces élus est celui du sort réservé aux milliers de corps juifs retenus dans l’« ossuaire » qui leur est réservé.
Qu’attendons-nous de ces élus ? Il y a ce qu’il faut faire, et ce qu’il ne faut pas faire, ou en tout cas pas de manière immédiate.
L’erreur à ne pas commettre
Entreprendre les démarches pour obtenir un cimetière réservé uniquement aux membres de notre communauté est une démarche à remettre à plus tard ! C’est la solution pour enterrer les morts à venir, mais une telle entreprise nécessite de très nombreuses années de travail, et risque fort de ne jamais aboutir.
Nous avons rapporté dans l’une de nos enquêtes la mésaventure de la communauté orthodoxe de la rue Cadet qui a œuvré durant dix ans pour obtenir l’autorisation d’ouvrir un cimetière à Roissy (oui, la commune où a finalement été érigé l’aéroport Charles-de-Gaulle), pour essuyer en fin de parcours un refus de la préfecture, car le principe d’un cimetière réservé aux seuls membres d’une seule religion va à l’encontre de la loi.
Cette décision peut être discutée, et nous avons pour notre part dans nos dossiers divers éléments permettant de le faire, mais le fait est qu’une telle démarche n’est qu’une solution pour l’avenir, un avenir lointain. Il faut de plus des personnes très déterminées qui se dévouent pour faire avancer ce dossier, ce qui s’avère assez difficile à trouver.
La direction à prendre
En revanche, il faut absolument qu’une démarche soit entreprise face à la municipalité de Paris – qui, elle aussi, va connaître des élections sous peu, et dont les candidats à sa direction se sont déjà déclarés prêts à discuter de cette question.
Que faut-il proposer ? L’ossuaire principal où reposent ces corps juifs est plein. Un amendement permet désormais à la municipalité d’incinérer ces restes funéraires.
Or ceci va totalement à l’encontre de la croyance de ces défunts ! Est-ce parce qu’une personne est décédée que nous n’avons plus besoin de respecter ses dernières volontés – notamment celle d’être enterré à tout jamais, comme la loi juive l’exige ? C’est même humainement une conduite scandaleuse de la part de la municipalité, que nous ne pouvons tolérer.
De plus, comment accepter un tel amendement à effet rétroactif ? En effet, la France peut décider qu’à compter de ce jour, toute personne qui n’avait pas exprimé sa position est présumée permettre un jour la crémation de ses restes. Il appartient en effet dorénavant à tous les Juifs de France de s’exprimer clairement et de faire part de leur opposition à se faire incinérer. Au Consistoire de les en avertir. Ceux qui ne le font pas fait seront alors négligents !
Par contre, comment accepter que l’on procède à la crémation des restes de personnes décédées AVANT cette loi, sous prétexte que les défunts n’ont pas fait une telle déclaration ? Comment nos aïeux décédés avant la Première ou la Seconde Guerre mondiale auraient-ils pu imaginer un tel avenir ? Tout ceci, parce que le monument funéraire n’est plus entretenu (sans doute faute de descendants car ces personnes ont été livrées par la police française durant l’Occupation au cours de la rafle du Vel d’hiv, puis déportées et massacrées, ou parce qu’elles sont décédées durant cette lourde période, durant laquelle les Juifs en France n’ont pas été tellement ménagés)…
De toute façon, le fait même que la municipalité de Paris envoie à présent ces milliers de corps de Juifs à la crémation laisse un goût très amer…
De plus, nous a-t-on dit du côté de la ‘hévra qadicha orthodoxe de Paris, toute incinération coûte à la municipalité quelques 600 euros par corps ! Dépense qui pourrait être évitée.
La communauté juive doit en conséquence proposer à la municipalité de Paris le contrat suivant : certains cimetières de Moselle et d’Alsace sont disposés, à notre connaissance, à accepter tous ces corps ; que la municipalité de Paris livre tous les corps juifs (ou présumés comme tels, selon leurs noms et selon la pierre tombale qui se dressait sur leur lieu d’inhumation – mais la municipalité a-t-elle pris la précaution de les photographier avant de les déposer à l’ossuaire ?) qu’elle a en sa possession aux délégués de la communauté, qui se feront un devoir absolu de les réinhumer selon la Halakha.
Comment prendre en charge tous ces corps ? Il y a différentes options prévues par la Halakha elle-même. L’une d’entre elles étant d’enterrer les corps en plusieurs couches (cela a été fait dans le cimetière médiéval de Bâle).
Il faut aussi prévoir des plaques avec les noms des défunts qui reposeront dans ce cimetière, afin de permettre à leurs descendants de venir prier en ce lieu – car cela aussi la municipalité de Paris nous le refuse, l’ossuaire, pour autant que son contenu lui « appartienne », contient tout de même les restes funéraires de nos ancêtres ! Nous nous étions fait l’écho de l’information livrée par le Consul de France à Tel Aviv qui témoignait du fait qu’à la suite de regroupement de cimetières en Algérie, les autorités avaient veillé à ce que des plaques soient portées sur le site de la nouvelle inhumation afin que les proches puissent s’y recueillir. Dans la situation actuelle, ce droit élémentaire est refusé à tous les Juifs de la région parisienne (et c’est à la suite de cela que la famille Tedesco s’est rendu compte de ce qui avait été fait des restes funéraires de leurs ancêtres).
Il est vrai qu’une telle opération va coûter cher. Mais le rôle d’une institution juive ne consisterait-il qu’à parler du « souvenir de nos parents », et, le jour où les restes funéraires de ces anciens sont en danger, de refuser de s’en occuper sous prétexte que cela génère des dépenses ? C’est inadmissible ! Et, du reste, nous n’avons aucun doute que les membres de la communauté répondront tous favorablement à un appel de levée de fonds pour une cause aussi importante.
Il faut également arriver à un accord avec la municipalité en ce qui concerne les tombes qu’elle entend vider dans un proche avenir, celles des Juifs qui ont commis l’erreur de ne réserver qu’une concession provisoire (et qui sont jetés à expiration de la « location » dans une fosse commune, sans aucun respect). Il nous semble qu’il n’y a pas moyen de s’élever pour l’instant contre cette honteuse pratique, et qu’il faut parer au plus urgent : exiger que l’exhumation ne soit effectuée que par des Juifs formés à ce genre d’opération, et qu’après cela, ces corps soient envoyés dans un cimetière de Moselle ou d’Alsace, où ils pourront reposer pour l’Eternité.
Il faut enfin vérifier ce qu’exige la Halakha dans le cas de Juifs qui ont été enterrés en leur temps dans un carré juif, et qui se retrouvent de nos jours, du fait de la politique de libération des places suivie par la municipalité, enterrés entre des non-juifs. Il faut très certainement les déplacer, mais à qui incombe ce devoir ? A la famille ou à la communauté ?
Il faut que les responsables de la communauté sachent que les Juifs de France sont à présent informés du problème, et que le Judaïsme du monde entier suit cette affaire. Les responsables politiques en France savent également quelle est la position de la communauté juive, en particulier à la suite de l’affaire Tedesco. Il n’est plus possible de se dérober sous un quelconque prétexte, car, à présent, les restes funéraires de nos ancêtres sont envoyés à la crémation.
Messieurs les élus, il faut agir, et vite !
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