Vous menez une campagne depuis quelque temps afin d’apporter un changement dans le domaine des tombes juives de la région parisienne. J’aimerais comprendre : on dit qu’il y a énormément de place de vide dans les vieux cimetières d’Alsace et de Moselle. Alors, quel est le problème ? On peut faire reposer ces corps dans ces lieux de sépulture !
I.B.
Malheureusement, cette présentation abrégée de la situation est très loin de la réalité concrète ! Faisons le point.
Il y a trois séries d’inquiétudes :
- On sort systématiquement, au quotidien, les morts de leurs tombes dans la région parisienne. La liste des tombes qui doivent être reprises administrativement est affichée au bureau d’accueil des cimetières… Il s’agit de tombes en mauvais état ou de concessions dont la propriété est arrivée à sa fin. Ces corps exhumés sont placés dans un ossuaire, dans lequel, selon les aveux de la municipalité, on ne respecte pas la séparation entre Juifs et autres. Nous admettons que l’on conserve les corps dans des boîtes séparés – chaque corps dans une boîte – mais nous avons reçu des témoignages que dans le passé, on déposait tous les restes funéraires du jour dans des sacs plastiques, sans plus.
- Les corps dans les ossuaires sont donc déposés ensemble, ce qui va à l’encontre de la Halakha. De plus, il faut probablement considérer que ces corps ne sont pas en terre, ce qui est une grave atteinte à leur égard, selon la Halakha. Une rumeur veut que l’on incinère des corps de cet ossuaire pour y faire de la place.
- Les indigents, dont la communauté ne s’occupe absolument pas, sont mis dans une tombe parmi les non-Juifs pour 5 ans, puis ils sont incinérés (fait confirmé par la municipalité).
Il est clair, tout d’abord, que la municipalité de Paris n’est pas intéressée à libérer ces corps placés dans l’ossuaire. Quand, après sept années de travail, comprenant interventions d’avocats et de notables juifs, lettres des familles descendantes de ce couple, les Tedesco (3000 descendants juste en Erets Israël…), des demandes aux consuls et ambassadeurs de France en Israël, le préfet de Paris a accepté de libérer ces restes funéraires contenus dans l’ossuaire, et uniquement ceux-ci, il l’a fait car il s’agissait de gens connus de la communauté qui ont beaucoup œuvré en leur temps…
Autrement dit, ne venez pas avec de telles demandes pour de vulgaires quidams.
Depuis 200 ans, la communauté juive rate son rôle dans ce domaine ! Déjà en 1914, un Juif parisien du nom de Dr Birnbaum faisait paraître une intéressante brochure (bien que les éléments qui y figurent ne soient pas toujours assez explicites pour qu’on les comprenne un siècle plus tard) posant la question « des cimetières parisiens ». On peut la consulter sur notre site (adresse : http://sammlungen.ub.uni-frankfurt.de/freimann/urn/urn:nbn:de:hebis:30-180013461005).
Voici quelque temps, une brochure d’aide aux familles endeuillées a paru sous la plume d’un haut responsable du Consistoire dans le domaine de la ‘Hévra qadicha, mais pas un seul mot sur les problèmes que posent les cimetières parisiens pour les morts ! Nous avons protesté même contre ce fait : il aurait fallu au moins dire aux familles qu’il faut s’efforcer d’enterrer ailleurs que dans la région parisienne, ou au moins chercher des carrés juifs dans des cimetières excentrés, moins en danger du fait qu’il y a de la place dans leur enceinte.
Les familles conscientes du problème envoient de nos jours les morts en Alsace ou en Moselle, ou encore en Terre sainte.
Et que peut-on faire pour les morts qui sont déposés dans les ossuaires ? Il faut que les autorités juives entreprennent une discussion avec la municipalité de Paris pour :
1) obtenir que l’on cesse de déterrer les morts juifs.
2) exiger que, si l’on ne parvient pas à entraver telle ou telle exhumation ponctuelle, cela soit fait par des Juifs respectueux de la Halakha et non par des employés de la municipalité, sans la moindre surveillance juive. (Evidemment, ils effectuent leur sombre œuvre le matin à l’aube, avant l’ouverture des cimetières, pour éviter d’effrayer le public, heure à laquelle il serait difficile d’envoyer une équipe de Juifs, aussi motivés soient-ils ?…) Dans de tels cas, il faut s’accorder afin que la ré-inhumation soit effectuée dans un cimetière, et qu’on ne dépose donc pas ces restes dans un ossuaire.
3) arriver à ce que tous les restes funéraires juifs de l’ossuaire soient pris et transférés dans un cimetière juif. Cela pose un grand problème d’identification, car il faut passer en revue les listes de ces corps et décider qui est juif et qui ne l’est pas (ces corps ne sont plus dans leurs carrés confessionnels de départ). Puis il faut préparer un immense terrain funéraire et concevoir des solutions pour enterrer tellement de gens en une fois (il y a des aménagements selon la Halakha). Il faut enfin voir comment effectuer un tel transport de masse.
4) trouver une formule pour les indigents (bien qu’il y ait des concessions achetées en son temps pour les indigents juifs, en particulier par la famille Tedesco – il faudrait vérifier leur utilisation actuelle, et parler avec l’organisme qui gère ces tombes…).
Ce n’est donc pas un sujet simple, avec une solution toute faite. La Communauté juive doit enfin prendre ses responsabilités envers ses anciens, et entreprendre les démarches qui s’imposent à elle. Il en va de notre dignité, et de notre devoir envers nos ancêtres !
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