Libération
Le consulat du Maroc empêche l’incinération d’un Français
Par Blandine GROSJEAN — 13 février 2002
Selon sa famille, le défunt ne voulait pas être inhumé.
La cérémonie était prévue à 14 heures ce mardi 5 février et avait été annoncée par un avis de décès dans la presse locale. A 13 h 48, un fax du consulat général du Maroc à Bordeaux arrive en préfecture des Deux-Sèvres et en mairie de Niort. Il rappelle que la religion musulmane interdit formellement l’incinération. Son correspondant à la mairie n’a pas compris à quel titre le consul marocain intervenait: «Le décédé était français, sa veuve et un témoin attestaient de sa volonté d’être incinéré. Cet homme marié à une Française ne suivait pas les préceptes de la religion.» Au même instant, les fonctionnaires du crématorium appellent au secours leur supérieur hiérarchique. Selon eux, une centaine de personnes tentent d’empêcher l’incinération. «La tension montait, il y avait des altercations, des injures, raconte dans son rapport le supérieur hiérarchique dépêché sur les lieux. La veuve, abasourdie par la tournure des événements, décidait de faire appel à la justice. La communauté musulmane ayant obtenu l’annulation de la crémation se dirigeait alors vers le tribunal.»
«Pas d’histoires.» D’après le commandant de police, il a suffi de discuter avec la veuve pour que tout s’arrange: «Elle ne connaissait pas la tradition, elle m’a dit: « Je ne veux pas d’histoires », ça s’est réglé en paix.» La version du responsable administratif de la mairie niortaise est différente: «Elle était fatiguée, elle m’a dit qu’elle n’avait pas le choix. Elle a accepté l’inhumation, à condition que ça ne soit pas dans le carré musulman.» Selon lui, on ignore qui étaient ces manifestants, mais la plupart d’entre eux n’appartenaient pas à la communauté marocaine de Niort. «Il y avait des dignitaires religieux d’autres départements.» Le consulat marocain de Bordeaux justifiait hier son intervention par le fait qu’un Marocain reste toujours marocain et musulman: «L’épouse du défunt a été raisonnée, elle s’est excusée et elle s’est pliée à la loi.»
Pas la bonne. En France, depuis 1887, dans le cadre des lois fondatrices des libertés publiques et de la laïcité républicaine, la loi sur la liberté de funérailles dit que «tout doit être mis en oeuvre pour assurer le respect des volontés exprimées par le défunt», notamment pour ce qui concerne le caractère civil ou religieux et le mode de sépulture. Les tribunaux sont censés veiller au respect de ces volontés et sanctionnent toute personne ayant donné aux funérailles un caractère contraire à la volonté du défunt. En cas de conflit entre les proches, le juge cherche la personne la mieux à même d’exprimer ce que le mort a voulu. «Nous connaissons les conflits entre membres de la famille, mais c’est la première fois que des gens extérieurs interviennent», s’inquiète Gérard Nébas, adjoint à la réglementation à la mairie de Niort.
Tapis. M’hamed Yazid, mort à 69 ans, a finalement été inhumé le 6 février. «Il y avait une vingtaine de musulmans devant les grilles, ils ont déroulé les tapis et fait des prières pendant qu’on l’enterrait», raconte un membre de la famille. Ensuite, des religieux ont voulu recouvrir le cercueil de terre. Les fonctionnaires ont refusé. Ce n’était pas prévu par le règlement.
Blandine GROSJEAN
A méditer, pour nous, les Juifs.
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