France, 2016.
Joseph Doukhan. Une « personne sans ressources » émanant visiblement de notre communauté, a trouvé repos « éternel » dans le cimetière de Thiais. Cinq ans plus tard, le 22 avril 2014, il a été « relevé » (l’expression est celle employée par la Mairie de Paris) de son caveau et crématisé. La direction du cimetière de Thiais précise : « Ses cendres ont été dispersées par la suite à la division 102 du cimetière parisien de Thiais. Il est possible de vous recueillir aux abords de cette division aux heures d’ouverture du cimetière ».
Où sommes-nous quand notre mémoire part en fumée ? Cela risque d’être le cas également pour d’autres Juifs – que HaChem nous en préserve ! – : au passage d’un convoi funéraire dans ce même cimetière, des membres de notre communauté ont vu des tombes juives en mauvais état, chacune avec une pancarte disant « Cette concession fait l’objet d’une reprise administrative, pour tout renseignement, adressez-vous à la conservation ».
Une rapide visite au cimetière a permis de relever des noms : Mme Benhaim Zari (1879-1944) et son bébé (4 mois au 10 novembre 1944), Mme Esther Strawzynski (1867-1931), Mme Malka, Mme Nacha et Mlle Rachel, M… Marcuson (1933 – effacé), M. Eugène Marcuson (1882-1972), Mlle D. Mazaltov (concession 24 – mais il y en a malheureusement plusieurs autres !).
Et, à la conservation du cimetière, bien entendu, la réaction a été : « Vous n’êtes pas de la famille ! Nous ne pouvons rien faire pour vous ! »
Ces corps vont être sortis de leur tombe en fin de ce mois, juin 2016, si aucun descendant ne se présente pour s’y opposer. Et que se passera-t-il pour eux sinon ? Sans doute la crémation. Ou une exhumation à la va-vite par des fossoyeurs fort peu au fait des règles gérant une telle opération selon la Halakha (recueil intégral des ossements du corps, associé à une fine couche de la terre sur laquelle reposait défunt, pour procéder à une ré-inhumation dans une tombe en terre).
Tout ceci est-il normal ? Avons-nous le droit d’accepter que notre mémoire parte de la sorte en fumée ? Pouvons-nous arriver aux jours durant lesquels nous prions pour la perpétuité de la mémoire de nos anciens (« Yizkor », « Hachkava ») sans trembler, car nous les avons abandonnés à leur triste sort ?
La France s’est accordé tous les droits dans ce domaine, et tout se passe selon les règles de l’art, depuis la Révolution. Aucun doute. Mais est-ce une raison pour nos dirigeants communautaires de baisser les bras et de laisser notre mémoire partir en fumée ?
Cette situation est unique au monde ! Aucun pays ne se permet de se conduire avec une telle légèreté envers ses morts – et les descendants de Juifs français vivant ailleurs commencent à le savoir, et à réagir.
« Les gens disent : il faut sans cesse demander la pitié, y compris pour avoir droit à un repos dernier, qui ne soit pas dérangé » (Berakhoth 8a).
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